Audeze… I’m your Fazor…

Les drivers Audeze sont basés sur la technologie « planar magnetic », comme un grand nombre de marques depuis quelques années (Fostex, Hifiman, JPS Labs, Oppo, etc… ). Ces acteurs majeurs du marché audio ont apporté de nombreuses innovations au cours de ces dernières années en optimisant la conception de leurs drivers.

La technologie Fazor est une nouvelle évolution du design des drivers isodynamiques — ou « planar magnetic » — créée par Audeze. D’abord introduite sur les deux nouveautés de la marque — le LCD-X et le LCD-XC — elle fut ensuite implémentée sur le reste de sa gamme, à savoir le LCD-3 et le LCD-2 rev.2.

Une petite introduction autour de la technologie « planar magnetic » vous permettra de mieux comprendre l’intérêt de cette évolution.

Qu’est-ce qu’un driver « planar magnetic »?


Un peu d’histoire…

La technologie de driver isodynamique fut introduite dans les années 70 sous l’appellation de « transducteur ruban » ; certaines marques se sont alors essayées à leur implémentation sur des casques, avec notamment Yamaha, qui rencontra un franc succès en 1976.
Plusieurs marques suivirent alors le mouvement, comme Beyerdynamics ou Fostex. Mais cette technologie fut éclipsée par les drivers dynamiques, moins onéreux et moins contraignants, jusqu’à connaître un second souffle avec les Fostex T20rp, T40rp et le transducteur roi des casques « Do It Yourself », le Fostex dp29 introduit par le biais du T50rp (utilisé comme base par les marques MrSpeaker ou ZMF).

Audeze remit enfin au premier plan cette technologie dans le secteur haut de gamme grâce au LCD-1, au LCD-2 et à son grand frère, le LCD-3, qui connurent tous deux un franc succès.

Des années durant, les drivers isodynamiques n’ont pas subi de grande évolution quant à leur conception, l’axe principal d’amélioration se situant autour des aimants utilisés et des caractéristiques du matériau de la membrane.

Pour expliquer simplement le fonctionnement de cette technologie : sur la membrane du driver est gravé un circuit imprimé dans lequel le signal audio est envoyé. De chaque côté de la membrane se trouve un aimant pour faire mouvoir cette membrane en fonction de la variation de courant que l’on injecte dans le circuit imprimé. Cette technologie permet à la membrane de se déplacer plus librement (membrane moins rigide, moins de contraintes lors de sa déformation) comparée à celle d’un driver dynamique. La vidéo produite par Audeze vous montre comment cette membrane se déforme lorsqu’un signal la parcourt :

Cette technologie offre un rendu extrêmement linéaire sur une grande partie du spectre et peu de distorsion, mais — comme toute chose — ce design n’est pas parfait : en effet, un aimant est placé entre la membrane et votre oreille, c’est à dire au beau milieu du champ de propagation acoustique ; cet aimant perturbe alors le champ de pression acoustique, induisant des effets indésirables.

Vous pouvez voir ci-dessous les drivers des Audeze LCD-2 rev.2 et de LCD-3, où l’on voit l’aimant placé entre la membrane et l’oreille, qui s’interpose entre les oreilles et une partie de la surface d’émission du transducteur:

Drivers d’Audeze LCD-2 rev.2 et de LCD-3

Quel est l’impact physique de ces interférences, comment les supprimer?

Je vais essayer de vulgariser le propos de façon assez simple et reproductible chez vous (à l’aide par exemple d’une bassine d’eau et de petits cailloux).
Une source sonore produit une onde (sonore) qui se propage dans l’air (ce que l’on appelle un « milieu »), de la même manière que lorsque vous jetez un objet dans l’eau ; vous voyez l’onde (mécanique) se propager dans son milieu (l’eau) :

Propagation d’une onde à la surface de l’eau

Lorsqu’une onde arrive devant un réseau de fentes, comme dans le cas d’un driver « planar magnetic », chacune des fentes peut être assimilée à une source (d’ondes) ponctuelle : cela revient à jeter deux pierres dans l’eau à une distance proche ; on observe alors le phénomène dit « d’interférences » :

 

Propagation d’une onde acoustique à travers des fentes

Lorsque les ondes provenant de chacune des fentes se rencontrent, cela entraîne des variations de pression acoustique, autrement dit l’onde sonore produite par la membrane est altérée par le réseau. De plus, ce phénomène se produit dans un volume d’air fermé : ces variations de pression entraînent également une résistance à la déformation de la membrane. Il en résulte un driver moins sensible qui demande une source sonore plus puissante pour déformer la membrane avec une certaine vitesse.

Il existe aujourd’hui deux écoles pour contourner ce problème :

  • les drivers « planar magnetic », où l’on enlève l’aimant présent sur le chemin de propagation acoustique ; le driver est en conséquence composé d’un seul aimant (système présent sur le JPS Labs Abyss ou les nouveaux Hifiman he-560 & he-400i).
  • la technologie Fazor développée par Audeze.

Pourquoi Audeze n’a-t-il pas choisi de développer un driver basé sur un seul aimant comme la concurrence ? Pour proposer quelque chose de différent et se démarquer? La réponse n’est pas aussi simple !

Les drivers « planar magnetic » ont besoin d’un champ magnétique uniforme et parallèle à la membrane (appelé « champ isodynamique »). Pour créer ce champ de la façon la plus simple et la plus efficace, nous avons besoin de deux aimants. Avec un seul aimant, il est beaucoup plus difficile d’avoir un champ magnétique uniforme des deux côtés de la membrane, compliquant ainsi l’obtention d’une réponse linéaire et d’une faible distorsion, sans compter que le casque devient nettement plus exigeant dans son alimentation.

Le Fazor n’est pas uniquement un nouvel argument marketing. Il est le fruit d’un développement interne, lié à une problématique propre au design des drivers des casques Audeze.

 

En quoi consiste le Fazor?

Le Fazor est en pratique un simple guide d’onde. En effet, comme l’indique son nom, son rôle est de « guider » l’onde sonore pour minimiser les interférences acoustiques induites par les fentes de l’aimant. Un schéma sera plus parlant que des mots :

Influence de la technologie Fazor sur la propagation de l’onde acoustique

Comme vous pouvez le voir, l’onde sonore produite par la membrane est guidée par la géométrie des aimants (semblable à celle d’une fente). Sur le schéma de gauche, à la sortie des aimants, chaque onde propagée à travers une fente interfère fortement avec ses voisines. En réponse à cela, les ingénieurs de Audeze ont simplement ajouté un guide d’onde (le petit triangle sur chaque aimant), qui permet de réduire considérablement ces interférences. De plus, les côtés de ce triangle sont légèrement arrondis pour faire en sorte que l’onde acoustique ressorte comme une unique onde plane (la plus proche possible de celle développée à la surface de la membrane).

Ajoutez à cela, d’une part, que plus la fréquence d’une onde est élevée, plus elle perd rapidement de l’énergie et donc plus les interférences sont destructrices pour elle ; cette technologie influe donc essentiellement sur les hautes fréquences (les basses étant moins touchées par le Fazor).
D’autre part, la disparition d’interférences permet à l’onde de se déplacer plus facilement et limiter la résistance que pourrait subir la membrane lors de son mouvement. La membrane est alors plus rapide quand elle fonctionne pour changer de forme et de position : le driver est plus sensible !

Enfin, il est toujours important de conserver une symétrie autour de la membrane, d’où la présence du Fazor de chacun de ses côtés. Si cela n’était pas le cas, le champ de pression acoustique ne serait plus uniforme est la membrane se déformerait plus facilement d’un côté que de l’autre.
Cette technologie permet de limiter une grande partie des effets acoustiques néfastes créés par la présence de l’aimant dans le milieu de propagation acoustique. Elle aura un impact important sur deux points : les aigus et la sensibilité du casque.

Dans la réalité, quel impact a le Fazor sur le rendu du casque?

Je pense qu’après cette longue introduction théorique nous arrivons dans le cœur du sujet qui vous intéresse : les changements sonores.

PS : Toi qui a sauté les chapitres précédents pour gagner du temps (et par là même perdu l’occasion de consulter un enseignement intéressant), je réponds tout de suite à cette question : oui, le rendu sonore et la présentation sont différents ! Pour les autres, continuons notre bonhomme de chemin…

J’ai eu l’occasion d’auditionner le LCD-X, LCD-XC et le LCD-3 Fazor ces derniers mois, mais seule une comparaison entre LCD-3 vs LCD-3 Fazor (ou LCD2 rev. 2 vs LCD-2 Fazor) pouvait réellement montrer l’impact de cette technologie. Je remercie Fabaaroan d’avoir passé l’après-midi avec moi et d’avoir pu comparer son LCD-3 à mon LCD-3 Fazor (le test s’est déroulé sur un Auralic Vega couplé à un Cavalli Liquid Gold).

 

Sensibilité

Caratéristiques :

  • LCD -3 : 91dB / 1mW, 45 Ohms
  • LCD-3 Fazor : 93dB / 1mW, 110 Ohms

Si l’on veut un niveau de sortie de 100dB, le LCD-3 aura besoin de 7,9 mW et le LCD-3 Fazor 5 mW. Les valeurs constructeur confirment que la version Fazor demande moins de puissance que la version classique, le casque est donc plus sensible.
Le calcul est validé par l’essai réel : le LCD-3 Fazor est bien moins demandeur en puissance que le LCD-3. Cela confirme donc l’hypothèse formulée dans les chapitres précédents à propos du Fazor.
NB : Audeze n’a pas communiqué si une modification avait été effectuée sur les membranes.

 

L’emblématique grille Audeze

Signature sonore

Nous savons dès les premières notes que nous avons affaire à un Audeze, mais le Fazor pousse encore loin les capacités du LCD3. Le LCD-3 Fazor perd en texture par rapport au LCD-3 – et devient inévitablement moins charnel et romantique – mais il ne perd pas pour autant l’esprit du LCD3, qui offre une restitution organique et physiologique, tout en proposant des aigus plus riches et naturels, améliorant ainsi la polyvalence du casque sur un nombre plus important de styles musicaux.

Donc, oui le LCD3 Fazor semble plus juste tonalement mais au détriment du charme que possédait son prédécesseur.

 

Dynamique & vitesse

Le LCD-3 Fazor donne tout de suite l’impression d’être un LCD-3 libéré de son poids : le Fazor permet au casque de gagner en impact, en tension et en vitesse comme si la membrane était plus légère et vive.

 

Présentation & soundstage

Là où un LCD-3 offre une présentation plus en arrière, le LCD-3 Fazor se révèle plus frontal et détaillé : le soundstage est plus aéré, les plans sont un peu mieux définis même si les dimensions du volume de la scène sonore restent les mêmes.
Le LCD3 Fazor est supérieur techniquement au LCD3.

 

Conclusion

Est-ce que le Fazor va changer la face du monde des casques isodynamiques ? La réponse est simple : autant que toute nouvelle innovation introduite par un marché concurrentiel. L’apport de ces nouveaux designs ne plaira pas à tout le monde, mais l’on ne peut que saluer l’envie constante des marques de repousser les limites d’un concept. Reste désormais à savoir quelle sera la prochaine évolution technologique à même de nous faire vibrer ?

6 thoughts on “Audeze… I’m your Fazor…”

  1. J’ai adoré l’introduction « scientifique » de cet article! Superbe boulot pédagogique… merci beaucoup.

  2. L’aspect technique ne m’attire pas vraiment en général,c’est donc tout dire que j’ai lu ce texte avec grand plaisir

  3. Très bel article que je viens de décortiquer pour ENFIN comprendre l’intérêt de cette technologie mise en oeuvre par Audeze. Une belle et bonne lecture.

  4. Merci pour l’article, super bien, j’ai appris pas mal de choses!
    et si j’avais un Auralic Vega avec un Audeze, je serai plutôt content moi…

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *