[Feedback] Hifiman HE-1000 « Beta »

Quand Hifiman a annoncé, début 2015, la sortie d’un tout nouveau modèle très haut de gamme – le HE1000 – je n’aurais pas pu imaginer être en mesure d’en publier un retour d’impression complet avant même la disponibilité du casque en France. Et pourtant…

Hifiman Beta Program

Avant Hifiman, le Dr Fang Bian dirigeait une autre société : HE-Audio. Et sous cette enseigne, a été produit et commercialisé un casque électrostatique aujourd’hui disparu : le JADE. Ce casque se positionnait à l’époque comme un concurrent direct aux meilleurs casques du monde ; en particulier aux Stax Omega et au Sennheiser Orpheus. Si le JADE a su générer beaucoup d’enthousiasme parmi les passionnés, il a aussi reçu des volées de bois vert de la part des fanatiques de Stax, très prompts à déssouder la concurence. Mais il a surtout recontré beaucoup de problèmes de fiabilité, altérant ainsi la réputation et la durée de vie de l’engin. Il a donc disparu assez rapidement puis Fang Bian a mis fin à l’aventure pour créer la marque Hifiman, maintenant bien installée sur le marché du casque audiophile.

Pour autant le JADE n’a jamais été oublié et les connaisseurs tenaient de source sure que Fang Bian continuait à travailler sur un successeur du JADE, sous la marque Hifiman. La surprise a donc été très grande quand finalement le HE1000 a été révélé en ce début d’année : on attendait un « Stat » et voilà qu’on a découvert un « ortho ».  On a longtemps cru que le tarif de ce HE1000 serait de 2000 puis 2500$, mais les infos officielles sont tombées au printemps et il faut donc dorénavant se munir de la rondelette somme de 3000$ pour avoir le droit de caler ses oreilles dans le saint des saints version Hifiman. Autant dire que les probabilités ainsi que l’envie de réunir une telle somme juste pour le chroniquer sur TellementNomade tombaient directement dans la case « No way ».

C’était sans compter sur l’opiniâtreté, la dévotion et le sens du sacrifice de la crème de la crème des reviewers de TN à savoir… votre serviteur.

Quoi ? On peut se jeter des fleurs de temps en temps non ?

Trêve de plaisanterie et plus sérieusement : il se trouve que Hifiman et le Dr Fang Bian ont eu la judicieuse idée de proposer 30 exemplaires de présérie dans le monde, au travers d’un « Beta Program ». Vous êtes OK pour verser une caution dont le montant doit rester secret ? Vous êtes OK pour respecter un accord de non divulgation des infos techniques et des éventuels problèmes de fabrication de votre exemplaire ? Vous voulez éventuellement garder le casque après la phase Beta moyennant l’abandon de votre caution ? Eh bien bienvenue à bord !

Hifiman a donc ouvert un long fil de discussions sur le forum américain Head-Fi en vue d’opérer un recrutement. Voyant cela, mon sang n’a fait qu’un tour et je me suis porté candidat au milieu des centaines d’amateurs déjà en train de baver sur leurs claviers. Et j’ai été retenu ! (ah ah ah ah ah aaaaaaaaah). Il faut dire que j’avais bien spécifié le fait que j’écrivais pour un site à audience planétaire et en langue française ; ce qui a sûrement plus pesé dans la balance que la qualité de mon style littéraire…

HE-1000_1

C’est le moment de dire merci aux copains

Évidemment, le montant de la caution s’est révélé plutôt élevé et largement au-dessus de mes moyens financiers. Heureusement, la grande famille TellementNomade a été généreuse et a bien voulu me prêter les deniers nécessaires pour finaliser les opérations. Je remercie du fond du cœur l’association TellementNomade, mais aussi certains membres – qui se reconnaîtront –pour la sincérité de leur aide, ainsi que pour leur silence de pierre tombale. C’est grâce à vous tous que l’on peut y aller de notre petit scoop aujourd’hui. Merci, merci, merci.

En outre, je remercie Oyo, TNien de toujours, d’avoir accepté de me prêter son Hifiman HE-6 sans même savoir le pourquoi du comment de l’opération.

Évidemment, au rang de nos partenaires et même, on peut le dire, amis, Audiophonics.fr a joué un rôle prépondérant dans la confection de cet article en me laissant disposer d’un ampli de gros calibre, l’audio-GD HE-9, que nous avons chroniqué voilà quelques jours. Merci à David Aubert et toute l’équipe.

Je continue cette séance de louanges en signalant le professionnalisme et la gentillesse absolue des équipes américaines et chinoises de Hifiman, qui m’auront filé un gros gros coup de main pour remédier à un petit souci technique sur le HE-6, qui m’a littéralement explosé dans les mains un beau matin. Super S.A.V !

Dernière chose : grâce à Head-Fi et surtout Changstar, j’ai pu échanger moult impressions et commentaires avec d’autres testeurs bien plus expérimentés que moi. Leurs conseils et leurs commentaires, mais aussi le partage de mesures auront été d’une aide précieuse et j’aurais beaucoup appris avec eux durant le dernier mois. Merci entre autres à Purrin, Tyll Hertsens qu’on ne présente plus et qui a eu la gentillesse de partager ses mesures avant publication, N3rdling, Negura, Knerian, Lojay, ohhgourami et les autres. Vous pouvez retrouver une partie de nos discussions et cogitations ici.

 

Dessine-moi un HE1000

Évidemment, le jour J, j’ai ouvert le paquet avec un tout petit peu de fébrilité. C’est pas tous les jours qu’on déballe un casque à 3000 pions hein ?

boite fermée

Au déballage, on découvre la belle dans un écrin en mousse synthétique de facture somme toute très commune. Rien de très luxueux.

boite déballée

On note immédiatement le fait que les câbles sont détachables et fournis en 3 exemplaires : un court avec un jack 3,5mm, et deux longs, soit en jack 6,35mm soit en XLR 4 points. Voilà qui fait plaisir, même si les connecteurs sont assez communs. Le câble en lui-même est un peu raide et a tendance à s’emmêler à l’usage. Il est très similaire à celui de mon HE5LE d’ailleurs.

Câbles

Une nouveauté de taille est à relever : Hifiman abandonne ses connecteurs merdiques classiques à vis pour des jack 2,5mm. Alléluia ! Nous sommes débarrassés des séances de casse-tête pour savoir comment pré-entortiller le câble juste ce qu’il faut afin qu’il ne soit pas tire-bouchonné une fois fixé. Oui, ça sent le vécu…

Connecteurs

Le casque en lui-même est assez beau. On peut aimer ou non l’apparence un peu bling-bling de l’ensemble, mais force est de constater que le HE1000 offre une finition plus raffinée que ses prédécesseurs. Vous l’avez compris, je suis assujetti à une certaine discrétion compte tenu du fait que l’exemplaire chroniqué est un modèle de présérie, potentiellement sujet à modifications, mais n’attendez pas du petit nouveau un niveau de fabrication digne d’un SR009. Quelques photos de détail devraient vous permettre de vous faire une idée par vous-même.

Plastique métallisé offrant un rendu « Alu brossé »
Plastique métallisé offrant un rendu « Alu brossé »
Finition en bois
Finition en bois
Cups largement ouverte au dos pour laisser « respirer le transducteur »
Cups largement ouverte au dos pour laisser « respirer le transducteur »
Coussinet de type « Focus-A » mélangeant du velours et du simili cuir perforé.
Coussinet de type « Focus-A » mélangeant du velours et du simili cuir perforé.
Bandeau en simili cuir
Bandeau en simili cuir
Arceau métallique et système de réglage des oreillettes. Le réglage est précis et fiable mais assez dur à manipuler en l'état.
Arceau métallique et système de réglage des oreillettes. Le réglage est précis et fiable mais assez dur à manipuler en l’état.

D’un point de vue technique, le HE1000 est un casque planar-magnétique, comme la quasi intégralité de la gamme sédentaire de Hifiman (seul le HE300 était électro-dynamique), et offre des spécificités innovantes.

D’abord, la membrane du diaphragme est extrêmement fine. Le Dr Fang Bian, patron de Hifiman, a beaucoup misé sur le caractère évocateur des « nano-trucs » durant la phase de communication. Considérant que les membranes les plus fines des casques Electro-Statiques STAX ne descendant pas en dessous du micron, j’ai quelques doutes sur le fait que celle du HE1000 atteigne le nanomètre (millième de micron). Mais évidemment, je ne suis pas en mesure de vérifier cet état de fait.

Vidéo Hifiman :

Enfin, le casque utilise un système d’aimants asymétriques spécifique à ce modèle, censé faire progresser à la fois la pureté du résultat sonore et le poids général. On aurait pu s’attendre à un faible poids, mais le HE1000 affiche 480gr sur la balance ; soit 25 grammes de moins que les 505gr du HE-6.

structure asymétrique

Les impédance et sensibilité du HE1000 se placent respectivement à 35ohms et 90dB/mW. On peut donc s’attendre à un casque certes bien plus facile à amplifier que le HE-6 mais sans pour autant s’éviter une amplification dédiée et adaptée.

Une fois réglé et posé sur la tête, le casque se révèle très confortable et le poids se fait oublier rapidement. Les oreilles ont toute la place nécessaire dans les larges oreillettes, le velours des pads offre un touché très doux. Le serrage est assez modéré, ce qui rajoute encore au confort mais ne permet pas d’assurer une tenue sans faille du casque sur la tête.

Il va donc être temps de brancher la bête.

Mais vas-y accouuuuuche, ça sonne comment bordeeeeeel !

Holà, minute papillon… On y arrive

Au moment d’écrire ces lignes, ça va faire 4 semaines que j’ai le casque en écoute. Je l’ai utilisé quasiment exclusivement en mode symétrique et en association avec l’Audio-GD HE-9 gracieusement prêté par Audiophonics.fr ainsi que mon DAC TotalDAC A1. Il aura attentivement été comparé avec un HE-6 et un HD800. Ce dernier est mon casque de référence et j’y suis parfaitement habitué.

En matière d’amplification, j’ai par ailleurs testé un Ibasso Dzero mkII et un O2 en plus du HE-9. Curieusement, le résultat n’est pas mauvais du tout, mais le HE-9 offre une grosse louche d’améliorations. Le HE1000 mérite un travail sérieux de constitution du système associé mais reste assez facilement utilisable sur du système nomade et/ou d’entrée de gamme.

J’ai pu faire passer toutes les musiques que j’écoute habituellement, à savoir un mélange composé en grande majorité de jazz contemporain, de musique classique et de musiques électroniques variées. Je pimente le tout de temps à autre avec un peu de blues/pop/rock/métal mais c’est plutôt rare.

Le HE1000 chroniqué ici est un exemplaire de présérie.

Voilà pour le contexte. Prenez donc les appréciations qui suivent en le gardant en tête ; en effet, votre appréciation personnelle peut varier considérablement si vos goûts sont très différents des miens. Veuillez en outre ne pas oublier que je force le trait dans le but d’être plus compréhensible alors que dans la vraie vie, les différences sont souvent plus subtiles.

Maintenant qu’on a le décor, par où commencer ?

Au premier abord, on est frappé par la beauté et l’équilibre immédiat qui se dégage du rendu sonore du HE1000. Je dirais même qu’une forme de majesté certaine s’impose à l’auditeur. On est directement dans l’ambiance : le HE1000 vise haut, très haut.

Évidemment la réponse fréquentielle est la première responsable de ces impressions. Le casque semble avoir été conçu et réglé pour sonner selon le modèle défini par les travaux des docteurs Olive & Welti), c’est-à-dire pour reproduire ce qu’on peut entendre sur très bon système Hifi de salon.

HE-1000_2

Le premier point qui saute aux oreilles, c’est bien évidemment les basses. Elles descendant bas, très bas. L’extension paraît absolument infinie et le registre du sous-grave est particulièrement bien traité. Le HE1000 ne propose pas autant de basses que l’Abyss, pourtant. Le registre est assez nettement plus neutre, à part peut-être un boost assez sensible en dessous de 40 ou 50hz. Ce qui frappe plus, c’est le très grand niveau de précision et de netteté dans le registre. Les transitoires sont nettes et extrêmement rapides, sans atteindre l’absolu offert par le SR009. On bénéficie à l’écoute d’un ressenti exceptionnel des textures. Pour autant, le HE1000 n’offre pas l’impact, la viscéralité du HE-6, ni le punch des mid-bass du HD800. Clairement, ici, le sous grave domine et on a l’impression de baigner dans un « bain de basses » enveloppant et assez addictif. Le grave du HE1000 ne frappe pas. On l’observe, on le contemple, on le savoure mais on n’est pas dans le ressenti physique de la vibration qu’apporte le HE-6. Ce dernier offre par exemple un vrai ressenti palpable des grosses gamelles d’une sonorisation de concert. Si je devais qualifier le grave du HE1000 en un mot, je dirais qu’il est « océanique » : limpide, profond et enveloppant.

Évidemment, ce grave ne déborde d’aucune manière sur le médium qui est lui aussi superbement traité. Il est en revanche rapidement évident à l’écoute que le haut médium a été soigneusement amputé d’un nombre certain de décibels. Du coup, aucune dureté ne se fait sentir. Les voix en particulier semblent débarrassées de tout aspect métallique et on ne perçoit plus du tout la gêne, les sifflantes ou les différentes conséquences des micros. Les voix semblent nettoyées de tout ce qui peut empêcher l’auditeur d’en profiter. Pour autant, aucune coloration artificielle n’est ajoutée et l’ensemble sonne très naturellement. Ce medium a du corps. Ajoutons que le HE1000 restitue globalement assez fidèlement les timbres des instruments acoustiques (non amplifiés). Les cordes, par exemple, sonnent là encore très naturellement, sans agressivité ni dénaturation. L’orchestre symphonique sonne comme il se doit, même si du coup les cuivres, par exemple, manquent de mordant. Quand on creuse un peu dans le détail, on s’aperçoit tout de même que le HE1000 a tendance à adoucir les timbres en transformant, par exemple, le son d’une guitare folk en celui d’une guitare classique. J’exagère un peu pour l’exemple mais le fait est que la tendance est là. En outre, on peut percevoir une gêne lorsqu’on augmente fortement le volume. J’ai cru ressentir parfois une fatigue sur la durée, particulièrement sur l’écoute de voix masculines, mais c’est peut-être simplement une affaire de goût. Le fait est que le haut médium bien creusé a pour conséquence de faire ressortir d’autant plus les fréquences à partir de 1 khz et en dessous.

Dans la lignée du très sage haut médium, l’aigu du HE1000 fait montre d’une douceur reposante pour l’auditeur. Les amateurs de signatures claires peuvent chercher ailleurs leur bonheur, le HE1000 ne leur apportera pas ce qu’ils cherchent. Tout au plus, peut-on sentir une petite pointe autour de 7 khz qui peut gêner. Je sais que certains autres beta-testeurs ont ressenti le besoin d’adoucir ce défaut. À titre personnel, quelques dizaines de minutes de rodage du cerveau me suffisent à quasiment oublier la légère gêne. En dehors de ça, tout est soyeux, sans agressivité ou grain gênant. Peut-être peut-on ressentir un manque d’éclat, d’air et donc imaginer une extension là encore un peu sage mais, sincèrement, « y’a pas de quoi fouetter un chat » comme dirait ma grand-mère. En résumé, si on oublie le pic à 7khz, l’aigu est légèrement « laid-back », sans toutefois faire passer le casque du côté sombre de la force.

Dans l’ensemble la signature est à mon avis plus « naturelle » que véritablement neutre. Je vois d’ici que certains vont qualifier ça de « musical ». Moi, je dirais juste que le HE1000 est du côté légèrement chaud de la neutralité. Aucun analytisme excessif ne gênera le mélomane habitué au rendu de sa chaîne de salon. Le HE1000 fait tout sonner de manière « audiophile ». Assez honnêtement, je trouve que cette balance tonale est parfaite. C’est assez proche de l’équilibre d’un AKG K812 par exemple mais en nettement plus « propre » sur tous les registres. Pendant les écoutes, j’ai assez souvent pensé au HE500 aussi. le 500 offre un équilibre naturel et moelleux qu’on retrouve un peu avec le HE1000 ; ce dernier offrant des qualités techniques assez nettement supérieures toutefois.

En dehors de la stricte réponse fréquentielle, on ne peut pas oublier la présentation et le soundstage offerts par le HE1000. Il y a de l’espace à revendre ! D’abord en largeur mais aussi, et c’est assez rare pour le signaler, en hauteur ! Le HE1000 réussit à nous illusionner et nous faire percevoir une vraie hauteur. Quand on cherche un peu, on s’aperçoit que c’est un peu factice. Par exemple on a parfois l’impression qu’on « voit » un orchestre symphonique depuis le haut. Avec les violons un peu trop en bas, les vents et cuivres au milieu et, bien au-dessus, les timbales. En fait, cet effet est avant tout dû au fait que la profondeur de scène du HE1000 n’est pas vraiment extraordinaire. J’y reviendrai. Mais globalement, cette illusion de hauteur contribue à la forte impression que produit le HE1000 de prime abord.

Dernier effet « Kiss-Cool », la matière sonore est riche et elle ne semble jamais « simplifiée ». La résolution – et c’est nouveau chez Hifiman – est très bonne. Les nuances, les réverbes et les espaces sont très bien retranscrits. Il m’a semblé que le progrès était sensible par rapport à un HE-6 « stock ». Les infimes nuances d’un quatuor à cordes sont correctement retranscrites. A priori donc, le HE1000 offre d’excellentes qualités en termes de micro dynamique. D’autres testeurs ont en revanche estimé que la résolution offerte est notablement inférieure au HD800. Je veux bien les croire, mais je n’ai pas constaté tant de différence moi-même. Les capacités de dynamique générale ou macro-dynamique ne m’ont pour autant pas paru sortir de l’ordinaire durant le temps de l’essai.

Balance tonale parfaite, Scène sonore grandiose, grande capacité de résolution. Serait-on en présence d’un vrai concurrent au SR009 ou au fameux Orpheus, comme il se clame depuis des semaines ? Vous le saurez dans un prochain article.

Nan j’déconne, restez là.

Au fur et à mesure des écoutes avec le HE1000, un malaise insidieux s’installe : un truc cloche.

À cette étape de la démonstration, je réitère quelques points de contexte : D’abord, les impressions que vous lisez ici sont certes les miennes, mais elles sont corroborées par un nombre certain d’autres Beta testeurs du monde entier avec lesquels j’ai pu avoir des échanges continus durant les tests grâce au site Changstar. Certains testeurs n’ont pas ressenti les mêmes choses donc votre avis peut varier et seule une écoute vous permettra de vous faire votre opinion. Chacun des beta-testeurs est attaché à un ou plusieurs casques existants et figurants parmi le gratin : SR009 et SR007, HE-6, LCD3F, HD800 ou Abyss et le HE1000 a été attentivement comparé à la concurrence. Dans mon cas, ce sont le HE-6 et le HD800 qui m’ont servi d’étalon. Enfin, l’exemplaire que j’ai eu un mois est un modèle de présérie.

Les constatations qui vont suivre ne sortent donc pas de ma seule imagination, mais elles doivent être considérées à l’aune du cadre énoncé ci-dessus.

Le principal point de difficulté dans la sonorité du HE1000, c’est son manque d’attaque (les anglophones appellent ça le « leading edge »). Le rendu est doux, très doux. Inoffensif même. Le grave ne frappe pas, les voix manquent un poil de présence et d’émotion, les trompettes ne mordent pas, les cordes de la contrebasse ne claquent pas, les sifflantes ne sifflent pas. Un rimshot ne fait pas mal à la tête. Les cymbales sont polies. Le HE1000 vous offre un univers sonore merveilleux et reposant. Relax.

On a vraiment passé un temps fou à identifier le « problème » et à trouver les images pour faire comprendre : imaginez qu’au moment où le transducteur doit produire une attaque de note (imaginez le son « Ka »), il doit accélérer depuis son état de base pour produire l’attaque du K. À ce moment-là, le casque doit appuyer sur le champignon à bloc pour démarrer. Eh bien on dirait que le HE1000 appuie en même temps sur le frein et l’accélérateur. Qu’il y’a une hésitation. Un autre testeur a parlé d’attaque spongieuse aussi. Comme si le driver devait lutter contre une inertie avant de se lancer. C’est un effet assez subtil et ça adoucit la totalité du rendu sonore. Au lieu d’avoir un KAAAA on a un khAAAAA. Un truc un peu flou dont l’attaque est plus faible que le sustain. Vous voyez le truc ?

En général, c’est très beau, très relaxant, ça participe à l’ambiance immersive et moelleuse qu’offre le HE1000 et c’est parfois très pratique pour profiter dans la joie et la bonne humeur des masterings pourris que sait nous offrir une bonne partie de la pop, mais ça pose tout de même un certain nombre de problèmes quand on le combine au reste des caractéristiques du casque.

Reprenons le grave par exemple. Il est clairement dominé par un sous grave impressionnant de netteté, de texture et de beauté. Du coup, les mid basses qui offrent le punch et le rebond dans le registre sont un peu effacées. Si on rajoute cette attaque manquant de franchise, on se surprend à chercher désespérément le groove voire la vitesse… et on monte de son, encore et encore sans trouver ce qu’on cherche.

Sauf qu’en montant le son, on bute sur un deuxième problème.

À force d’arrondir les attaques, le HE1000 arrondit les angles et donc le détourage des instruments et des différents pupitres. Invariablement, au bout d’un temps d’écoute plus ou moins long, un vague sentiment de fatigue s’insinue et les masses sonores deviennent de plus en plus fondues, indistinctes. Un genre de « mur de son » un peu nébuleux. C’est là encore subtil mais réel une fois qu’on a mis le doigt dessus. Imaginez une photo très définie, précise, avec un piqué parfait. Et imaginez qu’on floute légèrement les bords des différents éléments de la photo. Et ben voilà, vous y êtes.

Dernière conséquence de cette mollesse de l’attaque, le flou – constaté dans l’image et le détourage des voix, instruments et pupitres – se retrouve aussi dans l’étagement des plans du la scène sonore. Honnêtement, la profondeur du soundstage du HE1000 est correcte mais sans plus. En revanche, l’étagement des plans est plus sujet à caution. On peine à distinguer clairement le positionnement en distance des différents instrumentistes et on peine un peu à hiérarchiser les solistes et les accompagnateurs, par exemple. Pas besoin de vous faire un dessin sur la capacité du casque à imager : c’est assez flou et trop imprécis. On doit se concentrer pour se faire une image mentale précise de la musique. Avec le HD800, je peux « voir » Mathias Goerne chanter les lieders de Schubert, je sais à quelle distance il est de moi et à la limite « voir » quand il change légèrement de position et tout cela, de manière immédiate et évidente. Avec le HE1000, j’entends qu’il est là, dans un espace à peu près à tel endroit. Pas mieux. Mon cerveau doit faire des efforts pour positionner précisément le chanteur.

HE-1000_3

D’autre part, si on prend l’exemple d’une contrebasse de jazz, qui se joue en pizzicato essentiellement, on s’aperçoit que le HE1000 permet de bien ressentir les résonances de caisse et l’ampleur de l’instrument. Par rapport au HE-6 ou au HD800, il manque cependant une bonne partie des claquements des cordes sur le manche, des attaques des doigts sur les cordes. Si on écoute un solo de Marcus Miller, le son très particulier de sa basse quand il slappe perd ses résonances métalliques. Une basse électrique qui, là encore, a des résonances métalliques dues aux frettes et à la matière des cordes, aura tendance à sonner comme une fretless avec des cordes lisses. Le Piano de Jeremy Denk qui joue les variations Goldberg semble avoir été doté de marteaux trop amortis ou donne l’impression que quelqu’un a oublié son sac de coton à démaquiller dans le Steinway. Ici, c’est le mélange entre le manque d’attaque et la tendance légèrement descendante du casque qui est à l’œuvre. Une fois de plus, je force le trait pour me faire comprendre, bien sûr.

Du coup – et une fois de plus, on est plusieurs à en faire le constat – le HE1000 peine à nous donner cette sensation de présence et d’intensité qu’on aime tant. Cette sensation que l’artiste est là ou qu’on est là, vraiment avec lui. À force d’adoucir les choses et d’offrir un résultat plaisant, le HE1000 semble oublier l’essentiel : nous transporter, nous emporter dans la musique.

Évidemment, il y’a un aspect très positif à tout cela. Le HE1000 sonne invariablement magnifiquement et offre une capacité étourdissante à manger de tout avec aisance. Je crois que je n’ai jamais entendu de casque qui sache faire autant le grand écart entre enregistrements de qualités diverses. A contrario, du fait des points ci-dessus, il ne sait pas extraire la magie des meilleurs enregistrements. Si on fait une comparaison avec le HD800 : avec le HE1000 le plus mauvais résultat sera écoutable avec plaisir et le meilleur sera superbe. Avec le Sennheiser, on peut passer de « inécoutable » à « magique ».

Dès lors, j’ai le sentiment que le HE1000 apporte quelque chose de neuf. Il permet d’offrir, dans un casque tolérant et facile à aimer et écouter, des capacités techniques de haut niveau : résolution, extension dans le grave, ouverture de la scène sonore et raffinement. J’irais même jusqu’à dire que le HE1000 est le meilleur casque à tout faire jamais produit, mais je manque de point de comparaison avec, par exemple, un Audeze LCD-X que je ne connais pas et qui me semble – sur le papier du moins –, occuper le même créneau de casque « tout-terrain ». En tous cas, j’ai souvent pensé que ce HE1000 était tout ce que le K812 avait désespérément raté à achever : un excellent casque facile à aimer, valorisant, facile à mettre en œuvre et d’une grande qualité technique. C’est déjà un bel accomplissement en soi.

Conclusion

Je vais reprendre l’exemple qu’a partagé un collègue anglais sur le HE1000. Il nous a simplement expliqué que la veille, il avait reçu un beau CD tout neuf et qu’au moment de l’écouter avec avidité pour la première fois, il avait hésité à choisir entre le HE-6 et le HD800 mais jamais le HE1000.

Tout est là. Aussi joliment que puisse sonner le HE1000, il me semble qu’il lui manque le quelque-chose qui caractérise les casques les plus exceptionnels et qui les rend passionnants. Un Abyss, un SR009, un HE-6… quand on les met sur le crâne, il se passe quelque chose de spécial. Le HE1000, on se dit « ouah c’est beau » et une demi-heure après, on pense à autre chose. Certains testeurs en ont même affirmé que c’était un excellent casque pour écouter de la musique en fond sonore pendant qu’on fait autre chose. Essayez de faire ça avec un HE-6 ou un Abyss pour voir!

Après, on peut toujours imaginer que de par sa très grande tolérance aux mauvais enregistrements, il peut complémenter à merveille un casque plus exigeant. On peut. Je me suis même posé personnellement la question un moment avant de réaliser que je n’accorderais surement pas beaucoup de temps d’écoute à ce casque compte tenu de mes préférences musicales.

Je ne vois toutefois pas comment un amateur de SR009, Abyss, HE-6, ou HD800 pourrait opter pour le HE1000 en lieu et place de son casque favori. Je me suis posé la question pour les Audeze, compte tenu de la proximité plus grande des signatures, mais ceux que je connais (LCD2.2 et LCD3) offrent une densité, une compacité de son très spécifiques qu’on ne trouve pas ailleurs. Ils offrent en outre plus de haut médium, donc de présence des voix en particulier.

En dehors de ça, le HE1000 offre vraiment un grave magnifique (peut-être à la hauteur de ce que propose l’Abyss, mais plus neutre avec toutefois moins d’impact), un équilibre tonal extrêmement agréable et un rendu très beau en toutes circonstances. Si ces éléments sont pour vous prioritaires, alors saisissez l’opportunité d’un essai dès que vous le pouvez, vous ne serez pas déçu, surtout si vous être un fan de pop music pour laquelle la tolérance du HE1000 fera merveille.

Pour le tarif public de 3000€, et compte tenu de la campagne marketing organisée par Hifiman depuis le début de l’année, j’ai personnellement tendance à penser que le compte n’y est pas et loin s’en faut. Mais comme disent les Américains : YMMV*

Bien sur, l’exemplaire essayé ici est un HE1000 de présérie et les exemplaires finalisés peuvent  offrir un résultat différent.

HE-1000_4


YMMV : your mileage may vary = votre opinion peut différer. (retour)

18 thoughts on “[Feedback] Hifiman HE-1000 « Beta »”

  1. SUPERBE! Tout simplement superbe, sorrodje.
    Merci énormément pour ce beau travail plein de passion, d’intelligence, d’exigence.
    Tu es très compréhensible, très fin, très agréable à lire et je suis ressorti de ton article avec le sentiment d’être plus instruit.

  2. Le HE1000 est aux casques ce que sont les Layla aux intras.
    Chapeau bas Sorrodje pour un retour de grande qualité et riche d’enseignements.

    J’avouerais toutefois n’avoir pas tout lu, me foutant royalement de ce casque. :O

  3. Waouh ! Sorrodje, Purrin et Tyll ! Sacrée team de testeurs !

    Chapeau pour ce feedback à l’ image du HD800… « microdétaillée », bravo pour la vulgarisation (dans le sens le plus noble du terme), tout est parfaitement écrit, intelligible et technique à la fois, au ton aussi objectif que possible (bien loin du syndrome « nouveau joujou »).

    La passion, de surcroît, transpire de ta prose éclairée ! C ‘est un véritable coup de maître.

    Nous, lecteurs (ainsi qu’ Hifiman), sommes décidément bien chanceux de vous avoir (vous et ceux qui publient sur TN), il est tellement facile de se faire une idée hyper concrète du casque grâce à cet « hyper feedback ».

    Merci à toutes les forces en présence.

    Merci à l’ assos’ Tellement Nomade, ainsi qu’ à Audiophonics d’ avoir rendu cette quasi exclu possible…c’est vraiment la classe !

  4. zetsubousensei

    Un très beau travail sur l’écriture et dans le rendu d’impressions de ce feedback.
    Je te présente mes plus chaleureuses félicitations, une ‘vitrine’ pour TellementNomade.

  5. Merci beaucoup 😳

    De telles félicitations font chaud au coeur et poussent à continuer à essayer de dégotter les bons plans pour écrire de nouveaux tests et feedbacks 😉 .

    Effectivement, Tout ceci n’aurait jamais été possible sans TN , son assoc, ses partenaires et ses lecteurs. 😉 .. on ne se bat pas pour rien et ça donne la patate !

  6. Excellent compte-rendu sorrodje, bravo TN pour l’avoir aide, ca en valait manifestement la chandelle!

    J’ai ma petite hypothese sur les problemes de transitoires dont tu fais part meme si elle n’est que supposition. En particulier, je suis plutôt biaise a ce sujet (580V) mais il me semble extrêmement difficile de garantir une excellente réponse transitoire d’une membrane rigide classique (dynamic driver) et encore moins d’une membrane fine tendue (orthos, stats) a moins d’appliquer une force uniforme sur toute la surface.

    Voici ma théorie, accrochons nous au siege…

    Un cone classique est excite le long de la bobine, on prie pour qu’il soit assez rigide sur le domaine audio tout en étant assez léger pour garantir une bande passante étendue. Pour un electrostat, la membrane est très fine (de l’ordre du micron) et souple, tendue de sorte a mouvoir de part et d’autre d’un état d’équilibre.

    Une fine membrane va, par definition, se mouvoir de toutes les formes sauf celle d’un piston… On parle de modes vibratoires, voici une illustration pour un casque de ce genre: https://youtu.be/0q_SOrMyH4o

    Parce que le champ d’excitation est uniforme dans le cas un casque estat, la membrane en pratique a plutot tendance a vibrer uniformément (on parle de réponse forcee car la membrane prend la forme de l’excitation).

    Tout comme on voit des modes de structures s’établissant sur la membrane circulaire tendus d’un casque estat dans la video ci-dessus, le meme genre de modes s’etablissent sur la surface d’un casque ortho. En particulier, entre les traces métalliques, on a ce que l’on appelle des « pocket modes »: une platree de resonances vont apparaitre a la meme fréquence, correspondant a un mode qui se forme entre chaque paire de traces (comme si la surface était composee de multiples membrane vibrant indépendant, une entre chaque espacement entre traces). On parle de « ortho wall » avec de fortes resonances souvent visible entre 7kHz et 9kHz, ce que j’attribue a ces pocket modes (a tort peut-être mais c’est mon hypothese).

    Par ailleurs, la ou le bas blesse avec les ortho, a nouveau c’est juste mon hypothese, c’est que le champ d’excitation n’est pas uniforme. Seules les traces conductrices sur la membrane répondent au passage d’un courant. On peut donc imaginer que la réponse transitoire d’un casque ortho est tres difficile a contrôler car meme si on contrôle la partie conductrice de la surface (avec un ampli comme il faut), la membrane est libre de se mouvoir entre les traces (c.f. resonances locales ci-dessus).

    Pour le HE1000, Tyll Hertsens montre dans ces mesures des resonances a ~200Hz, 300Hz et toutes les harmoniques qui suivent (400, 600Hz, …): http://www.innerfidelity.com/images/HiFiMANHE1000PreProduction.pdf
    C’est plus ou moins visible dans les courbes de réponse en frequence et impedance mais ca saute aux yeux sur la courbe de THD (la réponse impulse montre aussi qu’il a y une dynamique assez complexe).
    Je ne peux affirmer si elles sont bien des resonances mecaniques de la surface mais on peut s’y attendre car les resonance acoustique ne sont pas attendues en dessous de ~2kHz pour un casque…

    Arnaud

    1. @Arnaud : Merci pour cette très intéressante contribution.

      De fait , les « problèmes » que j’ai eu avec le HE1000 me semblent en grande partie due à la réponse fréquentielle qui creuse aux endroits où ça peut faire mal ( Haut medium) particulièrement. Ici, c’est la partie « objectiviste » de moi-même qui parle. Pour autant, je reste persuadé comme tu l’entends qu’il y’a un souci inhérent au driver lui même. D’autres indices montrent que les HE1000 de Purrin ou Jude ou d’autres sonnent moins « mous » mais plus brillant ce qui laisserait penser à une tension de diaphragme supérieure ?

      Le mystère reste entier mais les mesures de Tyll ne sont en effet pas très rassurantes.

      @Tout le monde : Encore merci pour les félicitations. ça fait réellement plaisir. N’oubliez juste pas que c’est un vrai travail d’équipe et que sans TN et l’asso , on aurait juste rien pu faire. 😉

  7. je suis baba devant ce texte aussi éclairant que facile d’approche.

    Chapeau et évidemment merci sorrodje de nous avoir offert ce test

  8. Quel travail d’équipe, quel qualité d’écriture et d’implication du testeur un mot me vient  » IMPRESSIONANT  » ! Une question me vient inévitablement avec le prix demandé, n’est on pas à un cap dans les possibilités techniques au casque .? Les modèle  »historiques » , hd800, LCD, série HE, Beyer T1 sont toujours en place et visiblement difficile à remplacer … On peut visiblement mettre plus d’inox , de bois de marketing mais le SON ? Un peu à l’image de mon récent oppo pm-3 j’ai l’impression que la qualité progresse plus dans les gamme 0/500 que dans les flagship ..!

    En tout cas bel exercice, belle écriture , secret bien gardé par les acteur du projet ! Il reste à espérer que ce programme de beta testeur servira au HE-1000, pour peut être en faire la seul alternative avec les Abyss ou le SR009 dans une gamme plus accessible !

    Merci Sorrodje

    1. Commentaire très apprécié. Merci. Je partage tout à fait ton point de vue et c’est en effet dans les segments de l’entrée et du milieu de gamme que les progrès sont les plus flagrants ces derniers temps.

  9. Pas mieux que les précédents, un grand bravo pour ce travail.
    Au-delà du matériel en lui-même je te remercie pour le background et la contextualisation des propos.
    Je généralise grossièrement de manière volontaire : On veut toujours ce qui se fait de mieux sans forcément avoir une réelle oreille musicale et on se base plus sur un ressenti occulte que sur des faits concrets, précis (je parle pour moi et s’identifiera qui voudra). En te lisant je saisis cette essence de la musique qui me fait défaut. Et ça c’est remarquable.

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