Soundcheck
Sommaire
- Introduction
- Premières impressions
- Analyse sectorielle
- Soundstage
Réponse fréquentielle
Graves
Médiums
Aigus
Dynamique
Rapidité
Respect des timbres
- Conclusion
- Note
Introduction
Avant tout, je tiens à adresser un gros merci à burndav pour m’avoir spontanément prêté sa paire de SD2 que je mourais d’envie d’essayer !
Je voudrais aussi remercier, à titre posthume, notre camarade karnakhawai, qui nous a quittés prématurément le 22 février dernier, pour le prêt de son Xuelin Ihifi960.
Ce retour t'est dédié, mon ami, car je sais que tu m'écoutes...
Les InEar StageDiver 2 sont des écouteurs intra-auriculaires de conception allemande comportant deux drivers à armature. On peut les acheter au prix de 349 € fdpin sur le site de Thomann.
Voici leurs spécifications techniques telles qu’elles sont détaillées sur la page du site de la firme InEar consacrée à la gamme StageDiver :
Mon écoute de ces intras s’est déroulée sur trois semaines. Elle a comporté trois phases. La première, d’une dizaine de jours, a été consacrée à une acclimatation progressive de mon oreille à la sonorité particulière des SD2 puis à une analyse sectorielle accompagnée de prise de notes. La deuxième phase n’a eu lieu que deux à trois jours après la fin de la première, afin de reposer mon oreille, et a consisté essentiellement en un affinage de cette écoute afin d’éclairer les contradictions relevées dans mes notes et de comprendre la cohérence de ma rencontre avec ces intras.2-way-system
Transmission range: approx. 20–18000 Hz
Output sound pressure: 119 dB
Impedance: 40 ohms
Cable lenght: 140 cm / (4'7.5")
Standard set includes:
• SD-2 earphones
• Ear tip set (each 1 pair XS, S, M and L)
• Gold-plated adapter(3.5 mm on a 6.3 mm jack)
• 3 cleaning cloths
• InEar hardcase IE11
La troisième phase, qui a duré plusieurs jours aussi, a été la rédaction de ce retour — rédaction qui, je l’avoue, m’a beaucoup coûté : il me fallait être clair, explicite, carré dans mes raisonnements et pas trop obscur dans mon expression. En toute honnêteté, je ne pense pas y être entièrement parvenu.
ce qui explique leur mise en page particulière).
Je vais me permettre de rompre dès maintenant un premier suspens : je préfère les Tenore (voire les S-018) aux SD2.
Les InEar ont la supériorité technique, c’est clair dans mon esprit. Il est cependant tout aussi évident, à mon oreille du moins, que la restitution des Tenore, quoique moins précise et moins raffinée, offre plus de musicalité et de « bonheur » acoustique — et aussi une plus grande cohérence, tant spatiale que fréquentielle.
Je pourrais m’endormir le sourire aux lèvres avec les Zero Audio ; pas avec les SD2.
Mes sources pour cette écoute :
— sédentaire :
Asus G53SW + lecteur MusicBee relié en BitPerfect sous Wasapi à SMSL M2 (SA9027/ES9023) + LOD en cuivre cryo
Forza Audioworks + RSA The Hornet branché sur le secteur
— combos nomades :
IBasso DX50 + LOD en cuivre plaqué argent + Trasam HA1 2G (avec OPA2111)
Sansa Fuze V2 + LOD Audiominor + Blue Bird U3+ (avec OPA827 double mono)
— DAP :
Xuelin Ihifi960 « Modify »
Play-list (tous ces morceaux, sauf indication contraire, sont en WAV ou dans un format audio non destructif, FLAC ou APE):
Agnès, Dumble Debuts, “Drowning”.
A Perfect Circle, Thirteenth Step, “The Package”.
Eels, Daisies Of The Galaxy, “Daisies Of The Galaxy”.
Flaming Lips (The), Yoshimi Battles The Pink Robots, “All We Have Is Now”.
Groove Armada, Goodby Country (Hello Nightclub), “Suntoucher”.
HARVEY P. J., Stories From The City, Stories From The Sea, “One Line”.
Karma To Burn, Karma To Burn, “Mt. Penetrator”.
Lhasa de Sela, Lhasa, “What kind of heart”, “Is Anything Wrong”.
Nirvana, Unplugged In New York, “Dumb”.
Nostromo, Ecce Lex, “Still Born Prophet”.
Ozark Henry, The Sailor Not The Sea, “La Donna È Mobile”, « Indian Summer ».
Organic Audio, Lovelight, “Touch The Sky”.
Pixies, Surfer Rosa, ”Where Is My Mind?”.
Plastikman, Consumed, “Consumed”
RICH Robert & LUSTMORD Brian, Stalker, “Elemental Trigger”.
Rythm & Sound + Tikiman, Showcase, “Why”.
Silicone Soul, Staring Into Space, “Folie A Deux”.
Spacek, Curvatia, “Sexy Curvatia”.
STILETTO Gianni, Kognitive Devide, “Reality Port 23”.
Tatsu, Internet Dependence Syndrome, “Underground worldwide” (MP3 à 320 kb/s).
Le câble, une fois en place, se faisait oublier, malgré sa raideur, notamment au niveau du tour de l’oreille.
Premières impressions
Ce qui m’a le plus frappé, au premier abord, avec les SD2 est leur sens du détail, leur résolution. Nous verrons plus loin ce que celle-ci doit à la séparation spatiale et ce qu’elle doit à la rapidité, mais d’emblée ces intras m’ont semblé assez révélateurs et capables de restituer jusqu’aux interventions sonores les plus discrètes — tel, par exemple, le bruit blanc d’enregistrement sur le canal gauche du "What kind of heart ?" de Lhasa de Sela (extrait de son album éponyme).
Cependant, et ce fut là aussi une impression assez immédiate, j’ai trouvé que ces intras avaient une sonorité globalement un peu sourde, comme estompée ou feutrée.
En fait, comme je l’ai écrit à burndav en MP, les SD2 m’ont tout de suite fait penser à mes anciens systèmes de monitoring full size : Shure SRH840 et, surtout, Studiospares M1000 (un rebrand de Yoga CD-880, tout comme le Fischer Audio FA-003). Cette "coloration neutre", si j’ose dire, est en effet assez typique des écouteurs à spectre droit conçus pour l’analyse. La courbe de réponse fréquentielle de ces intras semble d’ailleurs venir appuyer cette impression, en montrant un équilibre qui n’accuse une pente relativement descendante que dans les registres les plus aigus (comparée, par exemple, à celle des champions reconnus de la neutralité que sont les Etymotic ER-4PT) :
Analyse sectorielle
SOUNDSTAGE
La scène sonore des SD2 ne manque pas d’aération : l’air circule entre les sources. Chacun d’elles paraît avoir comme son propre espace d’expression sur le soundstage de ces intras. Cette générosité dans la distribution spatiale des composantes du signal tient essentiellement à une latéralisation très franche : les sources sont localisées dans le panoramique des SD2 avec beaucoup de précision et de détourage à la fois.
Maintenant, la scène sonore de ces intras ne donne pas pour autant une impression de grande vastitude. Dotée d'une forme que, moyennant quelque effort de reconstruction mentale, on finit par sentir comme sphérique (et donc non dénuée de hauteur), elle paraît assez resserrée sur l’auditeur — lequel est positionné plus ou moins en son centre. Elle environne donc ce dernier… mais plus à la manière d’une bulle à la paroi relativement proche qu’à celle d’un paysage : l’horizon du soundstage des SD2 n’est jamais très loin de l’auditeur. Il peut en résulter un certain sentiment d’étouffement qui, sans doute, contribue aussi au feutrage de la sonorité de ces intras et qui peut même, à l’occasion donner l’illusion d’une disposition convexe de leur scène, comme si celle-ci était "invaginée" vers l’avant, avec son centre pour ainsi dire "retroussé" vers l’auditeur.
Ce confinement de la scène des SD2 a en tout cas pour corollaire assez évident une certaine absence de profondeur. Comme les Sleek Audio SA7, les SD2 ont un soudstage qui, nativement, n’est pas très creusé. Comme le soundstage des SA7, néanmoins, il offre, dans cette dimension frontale, une assez grande élasticité ou, si l’on préfère, des réserves 3D qui, à chaque fois que le signal l’exige, permettent un très bon étagement des plans, quasi « télescopique », vers le fond de la scène.
Cet effet de "fuite en arrière" n’est cependant pas toujours maîtrisé, comme nous le verrons dans l’analyse de la réponse fréquentielle, et peut même, par dispersion excessive, se montrer terriblement contre-productif dans certains registres dont il a tendance à effacer les extensions…
Pour tout vous dire, à l’audition, sur les SD2, du premier track me servant habituellement à tester le soundstage du matos qui me passe entre les mains — à savoir le "Where is my mind ?" des Pixies — j’ai eu la désagréable impression que la scène de ces intras était soit très déformée (et déformante) soit fort peu affirmée : je ne percevais aucun espace mais seulement une juxtaposition d’instruments flottant dans une espèce de vide informe. Et par la suite, pendant un bon bout de temps, j’ai cru que le soundstage des SD2 était tout simplement incapable de reproduire la spatialisation propre à chaque morceau de ma test-list (voire à chaque intervention sonore dans certains tracks aux reverbs complexes et composées), ce qui n’était pas le cas de la scène des SA7. Bref : sur les InEar, mon cerveau peinait — et le mot est faible ! — à "(re)construire" la 3D.
Et puis j’ai noté la qualité de leur latéralisation que j’ai soulignée plus haut, et j’ai cru comprendre que la scène des SD2 était trop splittée et réverbérée à la fois, ce qui générait justement cette impression de matité ou d’« invagination » centrale (sensible notamment sur “La Donna È Mobile” d’Ozark Henry).
Avec d’autres intras, on perçoit l’espace des enregistrements (ou des prods) comme un ensemble plus ou moins caractérisé mais homogène : avec les SD2, c’est un meccano 3D, un ensemble de localisations détachées les unes des autres.
Le revers de cette capacité d’analyse spatiale, jusqu’alors inouïe pour moi, est une sorte de déstructuration du soundstage par détourage ou isolement excessif de sources les unes par rapport aux autres : la 3D, sur les InEar, manque de liant et, pour tout dire, de naturel. Elle exige un effort d’interprétation pour être perçue et doit être comprise avant d’être entendue.
RÉPONSE FRÉQUENTIELLE
Graves :
Les SD2 coupent trop tôt dans le bas. Le manque d’extension dans les basses et, surtout, les infra-basses est patent sur ces intras.
Plus précisément, les infra-graves des SD2 ont du corps, sonnent amples mais leur decay comme leur expansion spatiale paraissent estompés. En outre, leur impact est assez faiblard.
Ces carences rendent certaines interventions instrumentales quasi inaudibles sur ces intras, telle la grosse caisse du "Daisies of the Galaxy" des EELS et celle du début d’"Indian Summer" d’Ozark Henry ou encore les premières notes de la basse du morceau des Pixies.
Dans leur partie basse, les médiums souffrent de leur proximité avec les graves et la liaison bas-médiums/graves semble du coup un peu confuse et brouillonne.
Plus précisément, nous avons là affaire aux conséquences, dans le registre immédiatement supérieur, du phénomène d’estompage des extensions relevé dans les infra-graves et, dans une moindre mesure, dans les mid-basses. Le résultat est que les voix, surtout masculines, semblent comme assourdies, voire un peu tubulaires et manquer globalement de plénitude vibratoire (même si, par ailleurs, elles paraissent très articulées, telle celle de Maynard Keenan dans "The Package" d'A Perfect Circle).
Fort heureusement, les médiums de ces intras semblent franchir une sorte de palier qualitatif au niveau des mid-médiums qui présentent pour leur part de superbes résonances. Cela se remarque aussi bien dans la restitution des sonorités claires des sections rythmiques (comme le "Why" de Rythm & Sound + Tikiman, à partir de 4’) que dans celle des voix aux tessitures androgynes, tel le timbre à la fois rauque et clair de Wayne Coyne dans “All We Have Is Now” des Flaming Lips qui s’éploie sur les SD2 avec beaucoup de délié et de précision à la fois.
Aigus :
Concernant les aigus, à un moment, j’ai failli me contenter d’un simple "RAS"…
Car les aigus des SD2 sont bien sages… Trop sages. Non qu’ils manquent de clarté ni qu’ils aient tendance à s’effacer derrière les autres registres : la liaison hauts-médiums/aigus et, en particulier, la zone de sibilance vers 2-3 kHz est particulièrement bien maîtrisée sur ces intras. Mais leur rendu, malgré tout, m’a paru en panne de scintillement, de "peps" aux alentours de la zone de brillance (vers 8-10 kHz), comme cela pouvait d’ailleurs se lire dans le graphe de leur réponse fréquentielle telle que relevée par Innerfidelity, graphe que j’ai reproduit plus haut.
Les aigus des SD2 présentent également un problème de dynamique. Quoiqu’assez naturels dans l’ensemble et bien articulés, ils ne laissent pas de sonner un peu mous à mon oreille, et cela à cause d’un certain défaut d’attaque. Alors, certes, cela leur donne une musicalité évidente, notamment dans les rythmiques rapides jouées essentiellement dans les hauts registres, comme nous allons le voir au chapitre suivant, mais quand ces rythmiques deviennent fréquentiellement plus complexes et mélangent les pupitres, les aigus peinent à tenir leur place sur les InEar.
Je ne nie pas la justesse ni la délicatesse de leur restitution sur ces intras : ces deux qualités s’imposent à l’écoute de tracks comme le "Sexy Curvatia" de Spacek dont les InEar rendent à merveille les glissandi électroniques. Cependant ce registre manque quand même d’impact et de présence sur les SD2, de pétillement.
"Extensions trop courtes" dans le grave, "sonorité trop veloutée" des bas-médiums et hauts-médiums "trop effacés", "manque de mordant" des aigus : on pourrait croire, à me lire, que le spectre des InEar n’a que des défauts et ne vaut finalement que par ses mid-médiums. Ce n’est pas le cas.
Il se caractérise avant tout par un très grand équilibre. Je n’ai notamment pas trouvé que les SD2 avaient une signature particulière. D’aucuns les jugent un peu "chauds". A mon oreille, ils sonnent tout simplement neutres.
J’aurais cependant aimé une sonorité plus "physiologique", plus naturelle -- un peu plus en W, donc. Celle des InEar s’en approche… mais pas assez à mon goût. Fréquentiellement, elle reste trop sage, trop tenue, trop discriminante en un sens... comme son soundstage.
DYNAMIQUE
Le tableau de la dynamique des SD2 est plutôt contrasté et dépend en fait des caractéristiques de leur réponse fréquentielle… et aussi des qualités de la source.
Comme on peut s’y attendre, c’est dans les médiums que les InEar présentent le mélange le plus satisfaisant d’attaque et de musicalité, tant en micro-dynamique, dans le déroulé fin du signal, qu’en dynamique relative, dans le respect des différences de niveaux sonores simultanés. Cela leur permet notamment de rendre les guitares du "Dumb" de Nirvana avec beaucoup de délié et de distinction.
Cliquer sur l'image pour écouter le track.
RAPIDITÉ
Les SD2 sont indubitablement des intras rapides. Leur restitution du “Still Born Prophet” de Nostromo, par exemple, est superbement déroulée dans le temps, avec aisance, clarté et beaucoup de lisibilité.
De façon générale, les InEar savent délivrer des sons très détachés les uns des autres dans leur succession temporelle, aussi élevée soit la cadence de cette dernière.
Si j’osais une comparaison qui hérissera sans doute nombre de mélomanes, les SD2, de ce point de vue, sont un peu les "Glenn Gould" des intras !
RESPECT DES TIMBRES
Bon, eh bien, là, aucune réserve : les SD2 restituent tous les timbres avec beaucoup de plénitude et de présence, du moins autant que le prescrit le signal.
Ce respect du "son" particulier de chaque instrument est aussi un des éléments concourant de manière non négligeable à la faculté résolutive de ces intras. C’est notamment grâce à lui que les InEar permettent aussi bien de différencier l’une de l’autre les pièces d’un set de batterie (comme au début du “Still Born Prophet” de Nostromo, par exemple).
Conclusion
Les InEar StageDiver 2 ne sont pas d'une écoute facile. Certes, dans des secteurs comme le rendu des médiums ou encore le respect des timbres, leurs performances s'imposent avec clarté. Dans d'autres, cependant, tels que leur restitution spatiale, si l'on sent leur potentiel, il faut un effort mental assez conséquent pour jauger leur technicité à sa véritable valeur.
Ils ne séduisent guère. En tous cas, ils ne m'ont pas souvent séduit, notamment parce qu'ils pèchent dans des domaines qui sont pour moi essentiels, comme le rendu des graves ou encore (et toujours) les capacités de leur scène à donner une image globale, "immédiate" ou "naturelle" des espaces d'enregistrement ou de production.
Trop souvent j'ai eu le sentiment qu'ils avaient les défauts de leur qualité, à savoir une trop grande démonstrativité dans la rigueur engendrant des ruptures aussi bien dans le ressenti dimensionnel que dans la perception fréquentielle, avec des registres disjoints, aux colorations quelque peu disparates (même si demeurant dans la palette restreinte d’un camaïeu plutôt terne).
Je préfère des écouteurs aux ambitions et à la technicité plus modestes, tels que les Zero Audio Carbo Tenore ou encore les Sleek Audio SA7 (pour citer des intras plus proche de la gamme tarifaire des SD2), qui savent néanmoins garder dans tous les secteurs une cohérence plus reposante, moins exigeante à l'égard de l'auditeur et, au final, plus agréable à l'oreille. Je préfère aussi des écouteurs qui savent s’écarter à l’occasion de la stricte fidélité pour apporter au signal la profondeur et la brillance dont il a besoin pour affirmer son naturel.
Au prix où ils sont actuellement proposés, les InEar StageDiver2 auraient pu, je pense, et auraient peut-être même dû offrir ce type de musicalité qui, à mon sens, doit rester l'horizon de toute démonstration technique. Ils n'y parviennent que partiellement.
Note (pour le son uniquement, en rapport avec le prix des intras) : 3,5/5.