J'aimerais aussi vous remercier, vous, les futurs lecteurs et lectrices de ce comparatif: je suis sûr que vous l'entamez avec la ferme intention de me lire attentivement, jusqu'au bout, afin de bien me comprendre... D'avance, je vous suis très reconnaissant pour votre courage et votre abnégation.
Les occasions font le larron
Dès que j’ai appris que mrRIZbaby mettait en vente ses A83, j’ai sauté sur l’occasion pour les soumettre à un comparatif avec sa nouvelle acquisition, celle qui lui a justement fait lâcher les Fidue — et qui sont aussi mes chouchous actuels : les FLC8 de FLC Technology.
Avant que je jette mon dévolu sur les FLC8, c’étaient les A83 qui avaient longuement retenu mon attention, notamment par l’estime que leur portait (et que leur porte encore, à ma connaissance) notre camarade Space Cowboy, fin connaisseur du monde des intras de milieu de gamme et de haut de gamme. Leur technologie m’intriguait également car je n’avais pas encore eu l’opportunité de goûter aux performances permises par l’hybridation des drivers qui, en associant un driver dynamique (pour les basses) à des transducteurs à armature (pour les médiums et les aigus), tente de concilier dans une seule coque le meilleur des deux mondes. Je songeais donc sérieusement à m’en procurer une paire… quand le fameux testeur |joker|, qui sévit notamment sur le forum audiophile anglo-saxon Head-Fi, sortit sur son site, The Headphone List, un retour dithyrambique sur des intras dont personne ou presque n’avait encore entendu parler : les FLC8. Voyant qu’il leur attribuait, pour le son, une des toutes meilleures notes dans le domaine des intras universels — meilleure encore que celle qu’il avait décernée naguère aux Fidue A83 —, j’ai eu comme une illumination et, sur un coup de tête que je ne regrette toujours pas aujourd’hui, je m’en suis procuré une paire.
Les FLC8 partagent la technologie des A83 en embarquant eux aussi un driver dynamique pour les basses (en l’occurrence un micro-driver dynamique) et deux transducteurs à armature (des très classiques TWFK de chez Knowles) pour le rendu des médiums et des aigus.
Autre point commun entre ces deux intras : leur prix, qui oscille entre 250 et 300 € fdpin (actuellement 295 € environ pour les FLC8 et 272 € pour les A83).
Il est à noter en passant que les FLC8 sont aujourd’hui commercialisés sous une nouvelle appellation : les FLC8S. De l’aveu même de Forrest Wei, le patron de FLC Technology, cette nouvelle version ne diffère de la précédente que par l’emballage et le câble, d’aspect plus qualitatif.
Port, occlusion… et réglage de la sonorité
En d’autres termes, moins français : fit, seal et tuning.
Les deux premiers ne m’ont jamais posé problème avec les FLC8, à un détail près : la longueur de leur canule sur laquelle les embouts ont tendance à glisser, ce qui empêche certains d’entre eux de remplir leur rôle (par exemple en mettant un frein à l’insertion profonde des Spinfit ou en masquant les micro-dépressions à l’intérieur des Spiral Dot de JVC). J’ai remédié à ce défaut en enfilant un joint torique en silicone à la base de la canule des FLC8.
Le fit des A83 m’a causé beaucoup plus de soucis, notamment à cause de leurs coques plus volumineuses que celle des FLC8, de leurs canules plus courtes et de leur câble que je trouve personnellement mal conçu : épais et lourd, il a non seulement tendance à s’emmêler mais présente en outre une longueur insuffisante entre les écouteurs et le séparateur, ce qui amène ce dernier à exercer une pression désagréable sur la glotte. Enfin sa partie semi-rigide — celle dite « à mémoire de forme » — a tendance à tirer sur les coques, au risque de les faire tomber de l’oreille… Il se peut que l’agacement que je n’ai jamais manqué d’éprouver au moment de remettre ces intras ait joué en leur défaveur dans mon jugement de leur restitution (et je ne constate pas sans frémir que le nouveau câble des FLC8S semble présenter bien des similitudes avec celui des Fidue…)
A cause de leur fit précaire, les A83 m’ont obligé à choisir des embouts de taille supérieure à celle qui me convient d’ordinaire, soit du L au lieu du M. J’obtenais le meilleur seal avec des clones à deux balles de Sony Hybrid, à l’ailette un peu plus large et au toucher plus « gras » que les originaux.
Sur les FLC8, j’ai gardé ma configuration habituelle : petit joint torique et embouts Spiral Dot de JVC en taille M. Cette combinaison me permet une insertion semi-profonde, c’est-à-dire consistant en l’intromission du seul embout dans le conduit auditif, tandis qu’avec les A83, le seal se faisait uniquement à l’entrée dudit conduit — sans pénétration donc, ce qui est toujours plus safe mais finalement moins jouissif… Je doute cependant que cela ait eu un effet significativement négatif sur le rendu de ces intras.
Les FLC8, comme on le sait, ont la particularité d’offrir en théorie pas moins de 36 variations de leur restitution sonore. Dans la pratique, j’en suis venu à n’en privilégier qu’une seule : bouchon rouge, tube transparent et canule dorée (soit infra-basses + / graves - / médiums + / aigus =), car c’est celle qui me paraît fournir la restitution la plus respectueuse du signal d’origine, avec le minimum de lacunes fréquentielles et de distorsion. On peut néanmoins concevoir cette modularité de la signature des FLC8 comme un avantage non négligeable de ces intras sur les A83 dont le rendu — avec ses éventuels défauts — ne peut être semblablement amendé.
Source
Ma source pour ce comparo a été unique : il s’agit de mon combo iBasso DX50 + BG8DX MX, les deux étant reliés par un LOD ultra court des JDS Labs.
Le BG8DX MX est un ampli dont le circuit est calqué sur celui de l’Objective 2 conçu par le trublion objectiviste du milieu audiophile international, NwAvGuy. Le BG8DX MX, fabriqué et vendu exclusivement en Chine (pour l’instant du moins) en est une déclinaison offrant des dimensions plus réduites et une autonomie supérieure — une version plus nomade, en somme.
D’origine, cet ampli est équipé de trois op amps amovibles (qui sont ceux choisis initialement par NwAvGuy lui-même) : un JRC2068D à l’étage de gain et deux JRC4556AD à l’étage de sortie. Après de multiples essais, je leur ai finalement préféré un LM833P et deux LME49860NA, trio qui me paraît mieux égaliser le spectre du signal amplifié (notamment en disciplinant l’articulation hauts-médiums/aigus et en renforçant le bas-médium) et améliorer la résolution de sa scène, aussi bien latéralement, par un surcroît d’aération, qu’en profondeur, en renforçant la netteté de l’étagement des plans — le tout au service d’une restitution plus « neutre », plus claire et plus transparente encore.
Protocole et play-list
La comparaison de ces deux paires d’intras s’est effectuée sur deux semaines, la première étant consacrée à l’audition de chaque paire sur des albums entiers codés en WAV ou en format sans perte (FLAC et APE essentiellement).
Trois albums surtout, que j’aime beaucoup et réécoute très souvent, m’ont permis de m’accoutumer à la personnalité acoustique des Fidue A83 qui m’était jusqu’alors inconnue :
Rich & Lustmord, Stalker: de la dark ambient, idéale pour tester le rendu des plus bas registres ainsi que la spatialisation.
Lhasa de Sela, Lhasa: du folk-blues enregistré en studio de manière assez frontale qui permet de vérifier l’étagement des registres, leur séparation et les transitions de l’un à l’autre, le rendu des voix et des instruments acoustiques, les qualités timbrales et, plus subjectivement, la capacité de transmission de l’émotion…
Hawk House, A Little More Elbow Room: du hip-hop electro-soul à la prod faussement désinvolte et très maîtrisée qui met à l’épreuve la dynamique des systèmes d’écoute, leur gestion des attaques et du groove notamment, ainsi que la cohérence de leur signature…
Cette série d’immersions au long cours a donné lieu à quelques prises de notes d’ordre général et m’a surtout appris à me méfier des réactions épidermiques que pouvait parfois susciter en moi le rendu des A83, notamment par rapport à celui des FLC8. Elle m’a donc permis d’« assainir le terrain » pour la comparaison qui allait suivre.
Celle-ci s’est déroulée au cours de la semaine suivante et a consisté en un parcours calme et patient des cinquante titres de ma play-list de test (linkée en signature) — d’abord au hasard, ensuite de manière plus intentionnelle, pour bien jauger les performances de chaque paire d’intras dans tel ou tel secteur spécifique. Tous ces morceaux sont encodés en format sans perte (APE et FLAC).
Je ne cite ici que les tracks de cette liste évoqués dans le présent comparatif (Nom de l’artiste – Album – Piste. Titre) :
A Perfect Circle - Thirteenth Step - 01. The Package
Eels - Daisies Of The Galaxy - 05. Daisies Of The Galaxy
Grant Lee Buffalo - Mighty Joe Moon - 02. Mockingbirds
HARVEY P. J. - Stories From The City, Stories From The Sea - 04. One Line
HARVEY P. J. - Stories From The City, Stories From The Sea - 10. This Is Love
Karma To Burn - Karma To Burn - 04. Mt. Penetrator
KOWALSKI Alexander - Changes - 04. Start Chasing
Living Colour - Stain - 08. Nothingness
Mouse On Mars - Autoditacker - 02. Juju
Nickelback - Silver Side Up - 06. Hollywood
Nirvana - Unplugged In New York - 06. Dumb
Nostromo - Ecce Lex - 03. Still Born Prophet
Organic Audio - Lovelight - 01. Touch The Sky
Ozark Henry - The Sailor Not The Sea - 01. La Donna È Mobile
Ozark Henry - The Sailor Not The Sea - 02. Indian Summer
Pixies - Surfer Rosa - 07. Where Is My Mind
Plastikman - Consumed - 10. Consumed
RICH Robert & Lustmord - Stalker - 01. Elemental Trigger
RICH Robert & Lustmord - Stalker - 02. Synergistic Perceptions
Sinch - Sinch - 09.The Silent Acquiescence of Millions
Spacek - Curvatia - 04. Sexy Curvatia
STILETTO Gianni - Kognitive Devide - 01. Reality Port 23
Swell - Whenever You're Ready - 06. In The Morning
TCHICAI John & REK Vitold - Satisfaction - 02. Hullo
Transwave - Phototropic - 02. Byron Bay
Vista Le Vie - A Futuristic Family Film - 07. Kids With Gloves
Avertissement
Ma prose donne très souvent l’impression d’être fortement structurée, très logiquement argumentée mais il n’est pas exclu que certains passages du présent comparatif vous paraissent obscurs. J’en suis le seul responsable car il m’arrive souvent d’essayer de traquer avec des mots des intuitions fugaces, évanescentes que je sens exactes mais que je peine à exprimer.
Premières impressions
C’est sur un track d’un genre aussi populaire que peu « audiophile » que le hasard m’a amené à effectué une première comparaison entre les Fidue A83 et les FLC8 : le rock FM de Nickelback.
Sur ce type de musique produite et masterisée en vue d’une diffusion essentiellement radiophonique et télévisuelle (d’où l’appellation du genre auquel elle appartient), la dynamique est très tassée (ça sonne fort tout le temps, même pendant les breaks) et l’accent est mis sur les fréquences les plus perceptibles via des systèmes d’écoute aussi médiocres qu’un poste FM ou qu’une télé, à savoir les mid-basses (vers 100-150 Hz) et le bas des aigus (vers 2- 3 kHz).
Les Fidue A83 se sont révélés beaucoup plus performants que les FLC8 pour rendre ce genre de morceau « dans son jus », comme s’ils étaient plus à l’aise sur les productions fortement compressées et/ou lourdement filtrées de la musique populaire actuelle. La question, bien sûr, est de savoir si c’est réellement un avantage… et non pas plutôt un défaut qui, à l’occasion, comme ici, peut se trouver servir un signal d’un type un peu particulier.
De façon plus générale, en continuant ma navigation au hasard dans ma play-list, et après cette première impression très favorable que m’avaient laissée les A83, j’ai fini par me rendre compte que les Fidue offraient en fait, des différents morceaux stockés sur mon DX50, un rendu reconstruit — flatteur dans certains cas (comme avec le « Hollywood » de Nickelback) et déformant dans d’autres, alors que les FLC8, quoique manquant comparativement de brillant et d’aération, présentaient une restitution sans doute plus « naturelle » ou plus « fidèle ».
Je n’ai pas tardé à m’apercevoir par ailleurs que les A83, bien qu’ayant une sonorité plus claire et aussi plus percutante que celle des FLC8, étaient curieusement moins résolvants, aussi bien dans l’espace, avec un étagement des plans moins net, que dans le temps à cause d’une certaine lenteur de leur rendu.
Enfin, dernier constat au terme de cette première session d’écoute : alors que j’ai souvent tendance à oublier les FLC8 dans mes oreilles, les A83 en venaient toujours à me gêner, non seulement par leur port assez inconfortable et la difficulté connexe d’obtenir avec eux un seal satisfaisant, mais aussi et surtout à cause des paradoxes d’une signature à la fois dynamique et confuse, percutante mais à la spatialisation moins « réaliste ». Bref, la violence brouillonne et un peu artificielle des Fidue me fatiguait par comparaison avec la douceur méticuleuse des FLC8.
Question de goûts personnels ? Pas seulement, comme nous allons maintenant le voir plus en détail…
La scène sonore des FLC8 et celle des A83 ont peu ou prou la même largeur (même si au départ celle des Fidue semble plus étendue sur les côtés) et offrent la même cohérence, sans « trous » dans le panoramique ni flottement dans la localisation latérale des sources : c’est déjà une belle performance de la part de ces deux paires d’intras (quand bien même on serait en droit de l’attendre de systèmes d’écoute somme toute assez onéreux…) Peut-être les A83 affirment-ils sur certains titres plutôt « touffus » une meilleure résolution latérale que celle des FLC8, mais leur supériorité en ce domaine m’a paru tout juste perceptible et peut-être plus due à la clarté générale de leur signature qu’à une distribution plus fine des interventions sonores dans le panoramique.
Il m’a semblé également (du moins au départ) que les FLC8 et les A83 présentaient le même niveau de compétence dans la restitution de la dimension verticale des espaces d’enregistrement ou de production et que tous deux étaient aussi précis dans le placement des sources sur l’axe des y que réalistes dans le rendu des extensions en hauteur — même si, encore une fois, les A83 m’ont paru au premier abord légèrement plus performants en ce domaine. En fait, c’est sur un titre en particulier que j’ai trouvé la hauteur de l’espace du signal plus peut-être plus sensible sur les Fidue que sur les FLC8 : l’« Elemental Trigger », première piste de Stalker, le chef-d’œuvre dark ambient de Robert Rich et Lustmord.
Réponse fréquentielle
et la canule dorée — soit en infras - / basses - / médiums + / aigus =. (Source: Innerfidelity.)
Au vu des graphes, on serait tenté de dire que les A83 ont un spectre plutôt en V et descendant avec un effacement assez marqué des médiums — soit tout le contraire des FLC8 qui, pour leur part, semblent présenter un équilibre légèrement montant tout en faisant la part belle au milieu du spectre.
Et, de fait, une écoute rapide suffit à confirmer les hypothèses inspirées par les graphes : les A83 ont bel et bien une signature en V, les extrémités de leur réponse fréquentielle étant nettement plus accentuées que sa partie médiane.
Tout aussi frappante, à l’oreille, est la disjonction corrélative des registres dans le rendu des Fidue : graves, médiums et aigus semblent y sonner chacun de son côté, avec sa coloration et sa dynamique propres, et cela à cause d’un manque de présence et de définition des registres de transition, bas-médiums (vers 200-300 Hz) et hauts-médiums (vers 2 kHz).
Il est vrai que ce manque d’homogénéité du spectre et, surtout, la relative anémie des médiums peuvent nuire à la musicalité du rendu des A83 (et avoir notamment pour conséquence de casser la micro-dynamique des tracks les plus groovy, comme le « Mt. Penetrator » du groupe de stoner Karma To Burn). Mais la mise en valeur des mid-basses et des aigus ainsi que la séparation nette et franche entre les différents intervalles fréquentiels se révèlent également des plus adaptées aux musiques compressées ou filtrées dont elles compensent le faible écart macro-dynamique ainsi que la relative étroitesse spectrale. C’est patent sur de la tech-disco comme celle du « Start Chasing » d’Alexander Kowalski que les Fidue arrivent à rendre avec beaucoup plus d’aisance, de clarté et de mordant que les FLC8 qui, par comparaison sur ce même morceau, sonnent presque congestionnés, voire artificiels ! La signature en V des A83 a également tendance à augmenter la présence et l’impact des sets de batterie — du moins au cours des premières écoutes.
Inversement, toutefois, les FLC8, au spectre plus droit et nettement plus homogène, rendront mieux compte des qualités acoustiques et, notamment, de la pertinence des choix de traitements (effets, spatialisation, etc) des morceaux les mieux produits (tels ceux d’Ozark Henry par exemple — que vous pouvez écouter plus bas).
Graves :
La différence la plus immédiatement perceptible entre les deux paires d’intras dans le rendu de ce registre est la plus grande franchise des attaques de la part des A83. Cela permet aux Fidue non seulement de mieux détourer les mid-basses d’un track electronica comme le « Juju » de Mouse On Mars mais aussi d’offrir plus d’impact aux infra-basses de la grosse caisse du « Daisies of the Galaxy », le bijou folk des Eels.
Même constat dans le sous-registre supérieur : les mid-basses semblent plus denses sur les FLC8, en particulier dans la restitution des sections rythmiques de metal et de metal-prog. Dans « The Package » d’A Perfect Circle, notamment, où la basse est mixée très en avant et la batterie jouée (et produite) de façon aussi appuyée que contrôlée, avec une sauvagerie très maîtrisée, ce couple d’instruments qui marque implacablement la cadence est rendu par les FLC8 avec plus de corps et de détail à la fois — plus de réalisme, en un mot — que par les A83.
Médiums :
Le manque de corps dans le rendu des graves des A83 se retrouve malheureusement dans leur restitution des bas-médiums. C’est aussi gênant sur du rock « énervé » comme le grind-core de Nostromo que dans la restitution de voix assez rauques de genres plus sages — celle de la chanteuse folk P. J. Harvey, par exemple, dont les résonances propres, tour à tour caressantes et abrasives, sont mieux filées et respectées par les FLC8 que par les Fidue.
Ce problème de chatoiement excessif de la tonalité fondamentale se retrouve dans le traitement des hauts-médiums par les A83 qui les rendent plus acides que ceux des FLC8. Je veux personnellement y voir le symptôme ou l’effet d’un manque de définition de ce sous-registre de la part des Fidue. Si l’on me permet d’user d’une métaphore, je dirais que la clarté excessive des hauts-médiums sur les A83 provient d’une diffraction du signal, comme le montre la faculté des FLC8 de donner une meilleure attaque aux sources percussives jouant dans cet intervalle de fréquence, telle la caisse claire du set de batterie de « The Package » d’A Perfect Circle qui « claque » mieux, plus nettement et plus clairement à la fois, avec plus de « matière » aussi, sur les FLC Technology que sur les A83, alors même que ceux-ci ont, sur le reste du spectre, une meilleure macro-dynamique que les FLC8 (ainsi que nous le verrons dans le chapitre suivant).
Il y a peut-être là un problème de traitement de la transition entre les registres, d’une armature à l’autre, dans les Fidue, du moins comparativement aux FLC8 qui seraient ainsi dotés d’un crossover plus performant ou mieux conçu (le crossover étant le circuit qui, dans un intra comportant plusieurs drivers à armature, permet d’affecter un intervalle de fréquences spécifique à chacun d’entre eux).
Aigus :
Le déficit relatif en clarté des FLC8 dans le rendu des mid-médiums se retrouve dans celui des aigus, plus précis et avec des attaques plus franches sur les A83 — plus brillant en un mot, comme cela peut se vérifier par exemple sur le « Consumed » de Plastikman, au moment de l’apparition des cymbales électroniques (vers 1’40’’), cymbales dont le frémissement, d’abord à peine audible, se détache du martèlement assez grave de la section rythmique avec plus de netteté sur les Fidue que sur les FLC Technology.
Sur des tracks présentant les aigus de manière bien détachée, avec une répartition spectrale très distributive, comme le « Sexy Curvatia » de Spacek, les FLC8 paraissent ainsi mieux respecter les résonances et la textures propre des sources sonores intervenant dans les hauts registres, alors que les Fidue, sur ces mêmes morceaux, ont l’air de fonctionner a contrario de leur tendance à séparer les intervalles fréquentiels et de brouiller les limites séparant ces derniers, au point que, parfois, le bas du spectre donne l’impression d’en submerger le haut et les aigus de se retrouver comme noyés sous les graves.
Dynamique
Macro-dynamique :
Aucune des deux paires d’intras n’est un monstre de macro-dynamique ni ne déploie d’emphase particulière dans le rendu des sautes d’intensité sonore. Les A83 se révèlent toutefois relativement plus performants en ce domaine que les FLC8, en particulier sur le rock, mais sans ostentation excessive, avec au contraire beaucoup de naturel. Ils m’ont notamment épaté par leur restitution du « Where is My Mind ? » des Pixies, non seulement dans leur traitement de l’attaque de la section rythmique (vers 15’’), tout simplement juste, mais aussi dans le respect de l’équilibre un peu particulier qui, dans ce morceau, régit les rapports acoustiques entre les différentes pièces du set de batterie et met en avant une caisse claire un peu agressive. Cette frontalité du snare drum ainsi que l’âpreté de ses impacts, les A83 les restituent beaucoup mieux que les FLC8 qui en donnent un rendu moins mordant, plus fondu dans le reste du signal.
Micro-dynamique :
Les FLC8 sont des intras qui swinguent. C’est une qualité évidente de leur rendu, même si celui-ci peut, au premier abord, paraître plus terne que celui des A83.
Que ce soit sur la tech-house-disco d’Organic Audio ou le stoner touffu de Karma to Burn, les FLC Technology donnent envie de bouger la tête et les pieds ! Sur ces mêmes tracks, les Fidue sonnent mous, comme en panne de cadencement. C’est particulièrement audible dans le rendu du « Touch The Sky » d’Organic Audio et notamment du drop jouissif vers 1’07’’ : les FLC8 en délivrent la montée puis la détente avec un sens du groove quasi-irréprochable alors que les Fidue semblent les priver de tension et de balancement.
Maintenant, les performances macro-dynamiques des Fidue leur permettent de mieux marquer le tempo de certains tracks nettement plus lents ou moins dansants, tels le « Mockinbirds » de Grant Lee Buffalo. Cependant, dès que le tempo s’accélère, ils perdent pied et tombent en défaut de groove. Il semblerait donc que cette défaillance provienne essentiellement de leur lenteur — car, comme nous le verrons au chapitre suivant, les FLC8 leur dament assez rudement le pion dans le secteur de la rapidité.
Dynamique relative :
Très bons en macro-dynamiques, nettement moins en matière de swing, les A83 se rattrapent par leur dynamique relative, c’est-à-dire par leur respect des intensités sonores respectives de chaque source, à un instant t, dans un message musical complexe où plusieurs instruments interviennent simultanément. Sur le « One Line » de P. J. Harvey, par exemple, ils laissent magnifiquement s’exprimer chaque source dans le mix avec son intensité propre, tous les instruments s’y faisant entendre de façon audible, même ceux enregistrés et produits à volume plus modéré que les autres. C’est encore plus vrai sur un track à la sonorité plus acoustique tel que l’« In the Morning » de Swell dont les FC8 peinent plus à respecter la dynamique relative. Dans l’un et l’autre cas, les A83 bénéficient de l’avantage que leur procurent à la fois leur meilleure macro-dynamique mais aussi la plus grande distributivité de leur spectre, aux registres plus disjoints que ceux des FLC8. Ce sont cette plus grande sècheresse d’impact et cette faculté de mieux séparer les intervalles fréquentiels qui leur permettent de fournir du tableau sonore des sources une image plus contrastée et, du coup, plus lisible.
Rapidité
Les FLC8 sont des intras vifs qui, sur des morceaux véloces et « wicked » comme le « Reality Port 23 » de Gianni Stiletto apportent une sorte de plaisir électrique. Leur rendu de ce track, tout en tension contenue et en souplesse de fouet, a quelque chose de félin qui sert remarquablement bien la scansion du signal : on les sent comme prêts à « bondir » pour suivre la cadence, aussi élevée soit-elle. Aidés en cela par leur sens du groove, leur agilité micro-dynamique, les FLC8 n’ont aucun mal à délivrer les salves de syncopes de la drum’n’bass, et cela de façon toujours aussi précise que fluide. Sur ce même titre, les A83 sont clairement plus lents, plus patauds et presque traînants. Ils donnent même l’impression de trébucher sur le passage de test (à partir de 2’44’’) dont l’oreille peine à suivre le déroulé sur ces intras, comme si ces derniers étaient en retard sur la musique. Les FLC8, ainsi que je viens de le laisser entendre, sonnent plus secs sur ce genre de titre et montrent autorité et maestria dans la restitution de ce type de rythmiques complexes qu’ils délivrent avec un placement temporel au cordeau et, en même temps, de manière très enjouée, très entraînante.
Sur ce même titre, la lenteur relative des A83 est peut-être moins apparente — ou moins gênante — que sur le morceau de Gianni Stiletto (mais il faut dire aussi que le track de Transwave est moins rapide…)
Enfin, sur des musiques fréquentiellement plus basses, qui font également la part belle aux graves — comme le « Still Birn Prophet » de Nostromo, par exemple — , si les FLC8 déçoivent un peu par une vélocité simplement correcte, sans plus, la prestation des A83 est encore pire. Ainsi, quand arrive le passage de test du titre du groupe suisse de grind-core (vers 0’57’’), les Fidue donnent-ils le sentiment de carrément perdre pied en délivrant une interprétation confuse, « pâteuse », comme plombée… voire carrément sombre. Alors, certes, les graves plus percutants des Fidue leur permettent de compenser un peu leur lenteur relative sur ce genre de rock énervé… mais à peine.
Question rapidité, pour moi, l’affaire est tranchée et, pour emprunter une image hydrographique, je dirais que, si les FLC8 ont la plasticité d’un torrent aux eaux claires, les A83 ont la viscosité d’un long fleuve boueux.
Respect des timbres
La fidélité aux timbres est tributaire de tout un tas de facteurs. Elle dépend en fait des performances dans à peu près tous les secteurs que nous venons de parcourir ensemble ! Je ne vous cache pas que ce dernier secteur est pour moi primordial : c’est, au final, par l’exactitude de son rendu des timbres qu’un système d’écoute saura ou non me convaincre dans l’absolu ; c’est aussi le critère ultime qui me sert à départager intras, casques ou oreillettes quand, comme ici, j’en mets plusieurs d’entre eux en comparaison. Cette dernière étude sectorielle servira donc de conclusion à ce comparatif.
A priori, au vu de mes analyses précédentes et en considérant notamment la supériorité que j’ai attribuée aux FLC8 sur les A83 dans des secteurs aussi cruciaux, pour la restitution des timbres, que le soundstage (en particulier la maîtrise des résonances et la précision du placement spatial, indice d’un contrôle ferme de la phase stéréophonique), la micro-dynamique (qui conditionne la finesse de restitution des transitoires) et surtout la rapidité (c’est-à-dire la résolution temporelle), l’on pourrait se dire que l’affaire est déjà pliée et que les FLC8 offrent un rendu des timbres plus authentique que celui des A83. En réalité, ce n’est pas aussi évident que cela… au début, du moins.
L’on sent bien, sur ce titre, ce que le côté plus démonstratif, plus claquant des A83 peut leur conférer comme avantage dans l’attaque des notes ainsi que dans la restitution de tous les micro-impacts qu’engendrent doigts et souffles sur le matériau des instruments de la lutherie traditionnelle— cet aspect « pétillant » ou « crépitant » de la sonorité, son côté frictionnel, que les FLC8 ont pour leur part tendance à estomper ou aplanir un peu.
Mais ce qui donne surtout aux Fidue leur supériorité sur les FLC Technology dans le rendu des timbres, sur ce genre de musique acoustique en petite formation, c’est la disjonction des registres de leur réponse fréquentielle. Les A83 offrent ainsi un excellent dialogue, bien contrasté, entre le saxophone de John Thicaï et la contrebasse de Vitold Rek dont les étendues fréquentielles respectives ne se recoupent qu’à peine (ainsi que le montre le tableau des registres instrumentaux ci-dessous).
Sur des titres aux sources peu nombreuses et dotées de plages de fréquences déjà bien distinctes à la base, les Fidue proposent donc un rendu des timbres apparemment plus « évident » et donc plus immédiatement satisfaisant que celui des FLC8.
Cette impression globale d’avoir des timbres plus présents et mieux texturés avec les A83 se retrouve à l’écoute de tracks acoustiques un peu plus complexes, qui mêlent des sonorités appartenant à des registres proches — voire au même registre —, et à la production plus travaillée, tel l’« In The Morning » de Swell… sauf que c’est là une impression qui ne dure pas ! Très vite, l’on s’aperçoit que la présence du haut-médium sur les Fidue est en fait une forme d’acidité qui altère sensiblement leur restitution des instruments dans ce sous-registre — en l’occurrence des guitares — et qu’en fait de texture, c’est une certaine sécheresse, pour ne pas dire un manque de corps qui caractérise leur bas-médium, notamment dans leur rendu des voix qui, sur ce même titre, semblent sonner de manière plus naturelle avec les FLC8.
La supériorité des FLC Technology dans le rendu des timbres s’affirme enfin pour ce qu’elle est — à savoir écrasante — dans le cadre de deux acid-tests utilisés assez fréquemment par la critique audiophile pour évaluer les performances des systèmes d’écoute en ce domaine : la restitution des cymbales (et du set de batterie en général) et celle des voix. Sur le « Still Born Prophet » de Nostromo, par exemple, les FLC8 délivrent une interprétation des coups de cymbale d’une magnifique justesse, pleine de piqué et de vélocité, « croustillante » en un mot, alors même qu’ils sont noyés dans le déferlement sonique de la section rythmique — tandis qu’ilss tintent de manière aigre et confuse sur les A83. C’est en fait tout le set de batterie du groupe suisse qui éclate pour ainsi dire de naturel sur les FLC Technology, et cela alors même que ces intras, comparativement aux Fidue, manquent d’attaque et de mordant sur ce titre : comme quoi, la pêche n’est pas le timbre… On remarque une nouvelle fois cette dichotomie dans le rendu du couple section rythmique/voix du morceau « The Package » d’A Perfect Circle que les A83 restituent de manière très tendue, sans rien de gras… mais sans beaucoup de substance non plus. La voix du leader, notamment, Maynard James Keenan, est nettement mieux reproduite par les FLC8 qui savent respecter sa suavité un peu rauque, sa profondeur gracile, immédiatement reconnaissable. Ce surcroît de finesse dans le traitement des timbres vocaux se remarque dans tous les genres écoutés pour ce comparatif, que ce soit donc le metal-prog d’A Perfect Circle, le folk de P. J. Harvey — dont la présence vocale, sur « One Line », prend avec les FLC Technology un côté presque tactile qui échappe quasi complètement aux Fidue — ou encore la chanson d’Ozark Henry, en particulier son « La Donna È Mobile » agrémenté de subtilités de production comme les delays qui créent tout un jeu de résonances autour de la voix du chanteur et que les FLC8, contrairement aux A83, nous permettent de suivre assez précisément.
Au final, donc, les FLC8 ont, dans le rendu des timbres, un naturel, une plénitude et une subtilité qui laissent les A83 assez loin derrière… Cette « évidence »-là, faite d’exactitude en même temps que de retenue, les Fidue sont assez loin de pouvoir y prétendre. Il y a là, je trouve, chez les FLC Technology, comme une forme de grâce ou, plus simplement, de maturité acoustique qui les propulse très haut au-dessus de leur gamme tarifaire.