Test des Harmony 8 Pro – Custom Art

Après les Music One, modèle d’entrée de gamme proposé par Custom Art, nous venons aujourd’hui vous présenter l’autre côté du spectre : les Harmony 8 Pro. Avec les Harmony 8, ils constituent le haut de gamme de ce fabricant qui commence à connaître un certain succès, à tel point que Piotr Granicki, qui officiait seul précédemment, a été rejoint par deux acolytes depuis cet été.

Ce test étant le deuxième dédié à ce constructeur, nous économiserons vos yeux aujourd’hui et vous renverrons vers le test des Music One, en ce qui concerne la gamme de Custom Art, le packaging, la prise d’empreintes et la procédure de commande.

La Personnalisation

L’avantage des moulés, c’est qu’ils sont fabriqués sur commande. Cela permet de réaliser plusieurs types de personnalisations, qui permettent non seulement de rendre vos intras « uniques », mais aussi tout simplement beaux.

Custom Art propose cinq possibilités de personnalisation :

  • couleur du câble,
  • couleur du corps des intras,
  • couleur de la portion qui pénètre l’oreille,
  • finition matte ou brillante,
  • ‘State of Art’.

Qu’est-ce que ‘State of Art’ ? Ce terme recouvre d’autres personnalisations que vous pourrez souhaiter, et qui permettent d’enrichir le design de vos moulés. Parmi celles-ci, la gravure d’un logo, la réalisation d’une « faceplate » en fibre de carbone (elle-même gravable). Récemment, Custom Art a rajouté la possibilité de réaliser confectionner une faceplate en bois, qui peut être choisie parmi plus de 20 essences différentes ! Certaines sources ultra secrètes susurrent même que, d’ici quelques mois, il devrait être possible de réaliser des faceplate en aluminium brossé .

faceplates en bois

Concernant les Harmony 8 et Harmony 8 Pro, le choix de la couleur du corps des intras est actuellement limité à celles dites « transparentes ». En effet, les modèles de la gamme Harmony, ce sont 8 transducteurs dans chaque intra, et la méthode traditionnelle de fabrication rend extrêmement difficile leur réalisation avec une coque opaque. Mais là encore, on me susurre que cette limitation pourrait ne pas être éternelle… et même qu’elle aurait déjà été contournée.

H8Pro opaque ?

Le Son

Pour les intras universels, les retours et autres tests sont utiles, mais sont imparfaits pour se faire une idée du ‘vrai’ rendu sonore du produit : un essai avant achat est hautement recommandé. Avec les moulés c’est encore pire. En effet, même s’il est possible d’essayer les moulés d’une personne dont les oreilles sont assez similaires aux vôtres (pour obtenir un bon ‘fit’), seul l’achat vous permettra d’en avoir le cœur net.

Il faut donc prendre ce test (et tout test de moulés en général) avec un certain recul, même si je me suis efforcé d’être le plus objectif possible. Heureusement, j’ai également fait écouter les Harmony 8 Pro à d’autres personnes chevronnées, qui ont des avis et des goûts très différents des miens, ce qui permettra dans la suite de donner plusieurs visions différentes.

Contrairement aux autres modèles de la gamme, Piotr Granicki n’a pas encore fourni les courbes de réponse fréquentielle des Harmony 8 et 8 Pro – ceux-ci sont en effet sortis mi-juin 2014, et leur créateur ne veut pas fausser les retours. Mais nul doute qu’elles seront disponibles dans quelques mois.

Pour note, j’écoute à volume bas voire très bas. C’est important car les moulés, comme tous les intras, n’ont pas un rendu uniforme sur l’ensemble de la plage de volume. Dans le cas des Harmony 8 Pro, c’est un mariage heureux car ces derniers sont conçus pour un rendu de qualité à bas niveau. Par contre, à très haut volume, comme l’a souligné Piotr Granicki sur Head-Fi et sur Tellement Nomade, la signature change. Si vous avez pour habitude d’écouter à un niveau sonore très, très élevé, vous ne reconnaîtrez pas la signature que vous entendrez dans les descriptions de ce test.

Passons aux choses sérieuses.

Premières impressions

Ce qui frappe à la première écoute des Harmony 8 Pro, c’est l’absence de ‘wow effect’. Ce fameux wow effect, qui fait qu’on est tous amoureux de tous nos intras tous neufs (surtout s’ils ont coûté cher), tout ça parce qu’ils ont UNE spécificité qu’on n’a pas l’habitude d’entendre et que du coup ça nous semble RÉVOLUTIONNAIRE.

C’était d’ailleurs quelque chose que Piotr Granicki cherchait à éviter : « That’s great to hear! Instead of instant « wow effect » that would fade away after few days, one of my goals was to make it more long-lasting feature, so that when you pick up the IEM after a month or two of constant use it still has something that will surprise you 🙂 » (message de Piotr Granicky accessible ici).

Point de wow effect ici, donc.

Et puis on commence à tendre l’oreille. « Tiens, y a quand même beaucoup d’instruments sur ‘Telegraph Road’. J’avais pas remarqué à quel point la guitare sèche et la basse se donnaient aussi bien la réplique. » Et, instinctivement, l’auditeur se met à se concentrer un coup sur les aigus, un autre sur les basses, un autre sur les médiums, les balayant au gré des attaques.

Et là, la première caractéristique des Harmony 8 Pro apparaît : il y a vraiment beaucoup de tout ! À chaque fois qu’on se concentre sur une partie du spectre, on peut se dire qu’elle est ‘mise en avant’. Sauf que lorsque l’on se tourne vers une autre partie, et bien on a la même impression…

La signature des Harmony 8 Pro est donc très équilibrée. Nous ne nous aventurerons pas sur le terrain glissant du « neutre », mot qui a autant de définitions que d’occurrences sur les forums audiophiles. Ce qui est sûr, c’est que les registres sont bien séparés, et que personne ne vient marcher sur les pieds de son copain d’à côté.

H8Pro

Scène et séparation

La scène des Harmony 8 Pro est à la fois de grande dimension et réaliste. Ainsi, aucune des dimensions (largeur, hauteur, profondeur) n’est ‘surdimensionnée’ par rapport aux autres. C’est une scène clairement hors tête, qui offre une immersion remarquable. La sensation de profondeur est particulièrement bien rendue, et l’auditeur est généralement placé assez près des instruments, voire au milieu de ceux-ci. Pour note, il s’agit de la plus grande scène qu’il m’a été donné d’entendre avec des intras, bien qu’elle reste réaliste.

Ainsi, sur ‘Ein Deutsches Requiem’ de Brahms, on perçoit les voix des chœurs sortir du sol et remonter vers nous, une sensation très physiologique que l’on ressent à l’opéra lorsque l’on est en hauteur. Sur le ‘MTV Unplugged’ de Nirvana, ou sur le ‘MTV Unplugged’ d’Eric Clapton, on va se sentir très proche du chanteur, et placer avec précision les instruments.

La séparation est exemplaire, et cela saute aux yeux sur des titres comme ‘Telegraph Road’ ou ‘On every street’ de Dire Straits. Il semblerait presque qu’une pellicule d’air entoure les instruments, et permet de mieux les distinguer les uns des autres. Nous ne sommes pas pour autant en présence d’un scalpel sans cœur : les Harmony 8 Pro savent aussi restituer ces instruments ensemble.

Mais, forcément, qui dit pellicule d’air autour des instruments dit aussi que ça ne sonne pas aussi musical que quelque chose de ‘plus ramassé’. Pour note, l’utilisation du câble Linum BAX change beaucoup les Harmony 8 Pro sur ce point : finie la pellicule d’air, et vive la musicalité ! Mais cela se paie au prix de médiums un peu moins texturés.

Basses

Les basses des Harmony 8 Pro sont très intéressantes. Elles descendent bas, mais avec moins d’emphase que celles des Earsonics EM32, et sont extrêmement texturées (l’écoute de ‘Fat Cat Shuffle’ de Savant vous le montrera). Les basses sont plus présentes que sur des Spiral Ears SE5, et participent d’une certaine chaleur dans la signature ; chaleur bienvenue compte tenu des aigus, comme on le verra par la suite. À l’inverse, les basses des SE5 ont plus d’impact que celles des Harmony 8 Pro, c’est-à-dire que le ‘humph’ ressenti sera un peu moins fort avec ces derniers. Il n’y a pas non plus un monde entre les deux : sur ‘Contact’ de Daft Punk, la montée est vraiment jouissive, et votre cage thoracique vous remerciera. Ici encore, l’utilisation du câble Linum BAX change certaines choses : les basses deviennent plus tendues, moins diffuses. Pour un exemple, écoutez la basse claquer sur ‘Take the power back’ ou ‘Wake up’, de Rage Against The Machine.

Médiums

Dès le début, Piotr Granicki a annoncé son souhait : que les médiums soient ‘lush’, veloutés. Et on peut dire que c’est réussi. Les médiums sont texturés et soyeux, les voix sont émouvantes. Les bas médiums sont un peu moins texturés pour autant, et les SE5 resteront donc les rois des violons et violoncelles. Mais sur les guitares sèches, quel bonheur ! C’est pur, c’est à la fois précis et émouvant. De nombreux avis s’accordent à trouver une certaine bosse dans les hauts médiums, bosse caractéristique de la signature de Custom Art. Cette bosse serait aussi caractéristique de la signature de Sleek Audio. Personnellement, j’apprécie énormément les produits de ces deux marques, et je n’ai pas ressenti de gêne de ce côté-là. Cependant, ce retour ayant été fait par au moins deux autres testeurs plus qu’aguerris, il semble nécessaire de le mentionner ici. Pour note, un audiogramme a révélé chez moi une légère perte (-10 dB) dans l’oreille gauche entre 6 et 8kHz, et pourrait expliquer la différence de ressenti.

Aigus

Les aigus des Harmony 8 Pro sont assez mystérieux. Tout d’abord, il faut préciser qu’ils constituent la principale différence avec les Harmony 8 : Piotr Granicki a remplacé les drivers des aigus sur les Harmony 8 Pro pour rajouter 15dB entre 12 et 20 kHz. Cet ajout est censé apporter de l’aération, et s’équilibre avec la légère chaleur apportée par les basses

« Au bûcher ! » vous écrierez-vous, « ça doit piquer les oreilles ! ». Que nenni. Les aigus des Harmony 8 Pro sont d’une extrême précision, mais ils présentent une certaine rondeur qui fait qu’ils ne sont jamais agressifs. Ce mélange de rondeur et de précision semble a priori antinomique, mais il n’y a pas d’autre manière de l’exprimer.

ADSR

Derrière cet acronyme barbare (et donc anglais), se cache un principe qui influence le ressenti d’un intra : l’attaque (Attack), le déclin (Decay), le maintien (Sustain) et le relâchement (Release) sont les paramètres qui vont conférer à la reproduction un naturel rythmique, et une sensation de vitesse (ou pas).

Écourtons ce qui peut l’être : en termes de DSR (les trois derniers donc), les Harmony 8 Pro sont probablement ce qui se fait de mieux sur le marché. À tout le moins, ils boxent avec les tous meilleurs. Il suffit d’écouter une cymbale pour en être convaincu.

Reste l’attaque. Pendant longtemps, j’ai eu des doutes. En effet, les Harmony 8 Pro ne sonnent pas ‘rapides’. Ils sont assez cools, presque plus adaptés à une contemplation de la musique. Pourtant, balancez-leur l’album ‘Justice’ de Justice, et vous verrez qu’ils ne sont pas lents, loin de là.

Tout passe parfaitement, le rendu est parfaitement propre, aucun souci de vitesse. Alors quoi ? Et bien tout simplement, c’est l’attaque des intras qui n’est pas extrêmement pêchue. Et cette attaque donne la sensation exprimée plus haut , en combinaison avec la légère chaleur de la signature.

Cela est renforcé par le fait que le cerveau tend à s’attarder sur les nombreux détails que révèlent les Harmony 8 Pro, ce qui retire peut être un peu de la dimension viscérale que peuvent avoir par exemple des SE5. Non pas que ces derniers ne soient pas capables de restituer une quantité incroyable de détails, bien au contraire. Mais leur scène un peu plus intimiste, l’absence de pellicule d’air mentionnée plus haut, l’impact plus prononcé de leurs basses, rendent l’écoute plus engageante selon moi.

Tolérance à la source et aux enregistrements

Les Harmony 8 Pro peuvent rendre intolérant. En effet, il faut une bonne amplification pour les secouer (hé oui, les huit drivers de chaque côté ne bougent pas tout seuls !), et ils ont de telles qualités lorsque l’enregistrement est de qualité, que vous en viendrez à haïr ceux qui ne le sont pas. Vous ne haïrez pas ces morceaux parce que les Harmony 8 Pro les rendent mal, mais parce que vous savez ce que vous devriez, pourriez entendre, mais que ça ne sort pas comme souhaité à cause de l’enregistrement.

Les Harmony 8 Pro ne sont donc pas intolérants intrinsèquement, mais vous, vous allez le devenir. Et rapidement. Mais n’est-ce pas un risque à courir pour prendre autant de plaisir ? De plus, comme les Harmony 8 Pro sont très détaillés, ils n’auront pas la gentillesse des intras et moulés qui passent partout parce qu’ils dégagent 30% des détails de toute manière… Ne confondez pas permissivité et musicalité !

H8 pro translucides

La Conclusion

Vous l’aurez compris, les Harmony 8 Pro sont d’excellents moulés, et ce en tenant compte de leur prix (entre 925€ et 1 000€, selon vos choix, goûts et couleurs). Ils sont une vraie grande réussite. S’ils passent vraiment sur tous les styles, ils brillent particulièrement sur ceux qui appellent une belle scène, comme le classique, le rock symphonique, ou certaines musiques électroniques non centrées sur l’impact pur et dur des basses.

Après, si vous êtes fans des présentations frontales qui vous rentrent dedans, ce ne sont peut-être pas les moulés idéaux pour vous, du fait de leur attaque. Ce qui peut sembler être un détail reste néanmoins important, car dans cette gamme de prix, il faut du « parfaitement adapté à ses goûts », pas de l’à-peu-près.

Si vous ne faites pas partie de cet ensemble somme toute assez restreint de la population, les Harmony 8 Pro devraient vous rendre infiniment heureux, et être de véritables révélateurs de votre collection musicale.

Pour finir, on ne peut que mentionner le service client absolument extraordinaire de Custom Art, Piotr Granicki se montrant incroyablement disponible, et pas seulement pour l’avant-vente, comme vous le montreront les multiples retours sur les divers forums.

Ce produit mérite donc la note de 5/5, même si ça semble être un minimum dans cette gamme de prix.

6 thoughts on “Test des Harmony 8 Pro – Custom Art”

  1. Très, très, très intéressant, vraiment, et instructif.
    Une écriture précise au service d’une sensibilité fouillée: merci et bravo.

  2. Merci pour ce test très clair et intéressant. J’aurais aimé qu’on creuse plus les différences de sensation entre les aigus du H8 et ceux du H8Pro, parce que j’hésite encore entre ces deux refs. Piotr m’a dit que le choix dépend vraiment de sa « sensibilité aux aigus » (mais je ne sais pas trop ce que ca signifie). Il m’a écrit : « If you don’t mind extra highs presence then H8Pro is the way to go, but if you want smoothed out very non-bothering sound then Harmony 8 is better choice ».

    1. Merci beaucoup pour vos commentaires !

      @Tuncurry : n’ayant jamais eu l’occasion de mettre les oreilles sur les H8, cela ne m’était hélas pas possible… Pour la sensibilité aux aigus, passez sur le forum pour décrire les intras / casques que vous avez déjà écoutés, cela permettra assez rapidement de définir votre profil.

  3. Merci Mister Butchi pour cet excellent test, je commence à penser au changement de mes Merlins et les H8 Pro seront dans la liste des prétendants 😉

  4. je viens seulement de voir le test, et je ne peux que plussoyer. Entre le service client de Piotr et la qualité des Harmonies 8/8pro, il n’y a pas à hésiter!

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