[Théorie] Les tubes pour les nuls

[nextpage title= »Introduction : les tubes pour les nuls »]

Entre leur invention en 1904 et l’arrivée des transistors, les lampes (ou tubes) ont été le seul composant électrique actif utilisé pour l’amplification du courant. Malgré la démocratisation des puces et en dépit de leurs défauts, les loupiotes continuent de fasciner les audiophiles et ce sont des millions d’heures de musique qui transitent chaque jour dans ces vieilleries si attachantes. Aussi, cela vaut certainement le coup de se pencher dessus, sans se brûler.

(Cet article sera publié en plusieurs parties. Aujourd’hui, la première partie porte sur l’histoire des tubes et leurs différentes évolutions. La suite est pour bientôt !)

Depuis des années, vous entendez parler d’amplificateurs à tubes, mais vous n’y connaissez rien et vous n’y comprenez rien non plus. Ce petit article est pour vous ! Je l’ai écrit parce que, moi aussi, je suis un béotien et que j’ai essayé de regrouper tout ce que j’ai lu sur le sujet pour essayer de comprendre. Et si vous vous y connaissez plus que moi, n’hésitez pas à enrichir, à corriger, à remettre en question ce qui est écrit, parce que l’objectif, c’est que cela soit quand même un minimum exact…

Qu’il s’agisse d’amplification de casque ou d’enceintes et ce, bien que nous soyons déjà au XXIème siècle, il reste encore beaucoup d’amateurs des loupiotes, ou « tubes à vides », lampes spécifiques que l’on trouve comme composant électronique actif dans les préamplis et amplificateurs.

Nous vous proposons un (tout petit) article portant sur les tubes, leur histoire et leur fonctionnement. Nous nous limiterons aux applications audio, mais il faut retenir qu’il ne s’agit que d’un faible périmètre de leur champ d’application.

KT88

[nextpage title= »Un peu d’histoire »]

L’invention du tube (comme composant actif) remonte à 1904, lorsque John Ambrose Fleming créée la diode à tube. Ce premier tube, « diode » pour 2 électrodes, permet de créer un courant unidirectionnel à partir d’un courant alternatif (c’est le principe du « pont de diodes » qui est encore utilisé de nos jours, soit avec des tubes redresseurs, soit avec des diodes électroniques). Le travail de Fleming est basé sur l’Effet Edison (à savoir le constat de l’unidirectionnalité de l’émission thermoïonique, soit le fait que dans l’équivalent d’une diode – filament chauffé + plaque réceptrice –, le courant positif est passant, le courant négatif non passant) et sur ses travaux préliminaires sur les valves détectrices.

Sir John Ambrose Fleming
Sir John Ambrose Fleming

Le principe de cette diode est simple : on alimente un filament en tungstène par un courant à basse tension. Ce filament est la cathode, c’est elle qui va émettre les électrons. Autour de cette cathode est placé un cylindre de tôle, qui va jouer le rôle d’anode (on parle de plaque) et va recevoir les électrons. L’ensemble est placé dans une enveloppe de verre (une ampoule). Le vide y est fait pour améliorer le fonctionnement du dispositif, en évitant la conduction de l’air.

À cette diode, Lee De Forest ajoute en 1906 une troisième électrode, servant de grille de contrôle. Il s’agit d’un fil enroulé autour du filament, à l’intérieur de la plaque (mais ne touchant ni l’un ni l’autre), servant d’écran. Il découvre que le courant créé entre la cathode et la plaque varie en fonction de la tension appliquée sur la grille : quand la tension (le potentiel électrique) de la grille augmente, le courant entre le filament et la plaque augmente aussi. Comme la grille elle-même ne consomme pas de courant, le premier circuit d’amplification de puissance électrique est né ! Il faudra 40 années pour que son remplaçant voie le jour.

Lee de Forest
Lee de Forest
Audion (les trois électrodes sont très visibles)
Audion (les trois électrodes sont très visibles)

De Forest nomme son invention Audion (on devine dans ce nom une intention audiophile). Elle est perfectionnée par Irving Langmuir, par la suite qui créé un Pliotron, dans lequel le vide partiel est avantageusement remplacé par un vide poussé. Ce n’est qu’en 1919 que William Eccles propose les noms de diode (pour un tube à vide possédant deux électrodes) et triode (pour un tube à vide possédant trois électrodes).

Irvin Langmuir tenant un des premiers exemplaires de Pliotron
Irving Langmuir tenant un des premiers exemplaires de Pliotron

Plusieurs améliorations sont apportées : suite à la détection de distorsions à faible intensité (faible volume) un travail est mené sur le courant de repos de la grille, afin d’obtenir une plage de fonctionnement sur laquelle le résultat est le plus linéaire possible. On parle, pour ce courant de repos, de tension de polarisation, ou de « bias ».

Une autre innovation fut le chauffage indirect de la cathode : plutôt qu’appliquer une tension sur la cathode elle-même, on alimente un filament qui va chauffer la cathode pour qu’elle émette le flux d’électron. Le chauffage indirect permet de réduire le niveau de bruit en supprimant les perturbations générées par le passage d’un courant non stabilisé dans le filament.

Schéma de triode (a : anode / k : cathode / g : grille de contrôle)
Schéma de triode (a : anode / k : cathode / g : grille de contrôle)
Triode vue en coupe
Triode vue en coupe

Des problèmes demeurent, notamment à cause de capacités parasites entre l’anode et la grille, créant des oscillations de la tension en sortie. Pour résoudre ce problème, on a ajouté une deuxième grille, la grille écran, située entre la grille de contrôle et la plaque (l’anode). Dotée de cette quatrième électrode, la tétrode est né (à ce moment de l’article, je suis persuadé que vous avez compris le schéma, et les plus hellénistes d’entre vous ont déjà deviné quel sera le prochain tube). Nous sommes en 1913. La grille écran, alimentée par une tension positive plus faible que la tension de plaque, permet d’éliminer les oscillations, mais pas de résoudre tous les problèmes : la grille écran accélère beaucoup le flux d’électron en direction de la plaque et du fait de leur célérité, certains vont rebondir sur la plaque et revenir sur l’écran. Ce flux secondaire d’électrons réduit le courant de plaque et donc le gain du circuit. La solution a consisté en l’ajout d’une troisième grille, la grille d’arrêt qui est alimentée par une tension négative par rapport à la plaque. Cela signifie que le flux secondaire est bloqué par la grille d’arrêt, ne peut pas revenir vers l’écran, et finit par revenir sur sa source d’émission, la plaque. On parle de (alors, qui a deviné ?) pentode, puisque l’on a ici 5 électrodes actives : la cathode (potentiellement le filament dans le cas d’un chauffage direct), la grille de contrôle (servant à moduler la tension de sortie en fonction du courant en entrée), la grille écran, (rendant impossible la création de capacité entre la grille de contrôle et la plaque), la grille d’arrêt (empêchant le flux secondaire d’électrons de se déposer sur la grille de contrôle) et enfin l’anode, ou plaque.

Schéma de tétrode (r : grille écran)
Schéma de tétrode (r : grille écran)
Schéma de pentode (s : grille d'arrêt)
Schéma de pentode (s : grille d’arrêt)

Dans le domaine de l’audio, on s’arrêtera là : il n’y a ainsi pas d’hexode avec une « grille de départ ». La pentode a été créée en 1926, mais pour autant, elle présentait deux problèmes. Le premier est que la pentode produirait plus d’harmoniques impaires que la triode en situation d’écrêtage, ce qui rend le son plus désagréable. Ce prétendu défaut semble cependant relever d’une certaine fantaisie quand on considère le deuxième problème : le principe de la grille d’arrêt a été breveté par Philips, et qui veut produire des pentodes doit payer.

Les deux principales évolutions qui naissent de ces problèmes, sont incorporées dans une évolution de la pentode, développée par RCA en 1936, utilisant une grille de contrôle et une grille écran alignées, dont les fils sont enroulées en suivant le même pas mais mettant en place deux plaques d’arrêt, reliées à la cathode, à la place de la grille d’arrêt présente dans la pentode. Ces modification visent à allier les avantages de la triode à ceux de la pentode : forte sensibilité à l’instar d’une pentode mais impédance de sortie faible, comme une triode.

Dans le domaine de l’audio, la tétrode à flux dirigé est la dernière innovation majeure apportée aux tubes (c’était il y a près de 80 ans). Dans le domaine des évolutions mineures, on notera la création de tubes multiples, comme les doubles triodes, incorporant plusieurs grilles de contrôles, chacune recevant un signal propre, au sein de la même ampoule de verre.

Le principe d’amplification par tubes à vide demeurera le seul disponible pendant plusieurs décennies, jusqu’à l’invention du transistor, en 1946, et l’expansion très rapide de son utilisation, portée par les nombreux avantages que ce dernier a sur les tubes : plus petit, moins cher, plus fiable et nécessitant une alimentation bien plus faible, des voltages réduits et pas de transformateurs de sortie.

Il est à noter que si l’utilisation des tubes à vide a perduré pour l’amplification analogique audio, ce n’est pas le seul cas : certaines applications continuent à utiliser des tubes (principalement pour leur fonctionnement à très haute fréquence ou lorsque de très fortes puissances sont requises).

En revanche, leur utilisation dans les domaines militaires a été abandonnée (malgré leur sensibilité beaucoup plus réduite aux Impulsions Electro-Magnétiques) et leur survie en milieu numérique rendue intenable face à la création puis la miniaturisation des circuits intégrés. Je vous laisse imaginer la taille (et la consommation) de votre processeur Core i5 s’il utilisait 774 millions de tubes…

ENIAC : ordinateur à tubes de 1946 (plus de 17,000 tubes)
ENIAC : ordinateur à tubes de 1946 (plus de 17,000 tubes… seulement)

[nextpage title= »L’utilisation des tubes »]

(Encore une fois, nous nous limiterons au champ des utilisations pour le domaine de l’audio.)

Il existe, schématiquement, trois utilisations possibles du tube à vide dans les appareils audio :

  • en redressement : l’idée est d’utiliser le coté unidirectionnel d’une diode (le courant est non passant de l’anode vers la cathode) pour créer un pont capable de transformer un courant alternatif en courant continu, avant d’utiliser un transformateur permettant d’adapter la tension. Dans ce cadre, on utilise deux diodes, soit sous la forme de deux tubes (diodes simples) soit sous la forme d’un seul tube double.
  • en étage de gain : dans les préamplis (ou les appareils ne nécessitant pas de forte puissance), on peut utiliser les tubes dans l’étage de gain (c’est le cas des DACs ou des radios). Il s’agit quasi systématiquement de triodes de faible puissance, à l’exception notable de la pentode EF86.
  • en étage de puissance : dans les amplis de puissance, on va amplifier le signal à l’aide de tubes adaptés. La plupart du temps, ces tubes ont un gain faible, ce qui nécessite l’utilisation de tubes « drivers » placés en amont des tubes de puissance. Les tubes de puissances sont des triodes, des tétrodes ou des pentodes. Les tubes drivers sont similaires aux tubes de préamplification, et on peut les utiliser également dans des circuits symétriseurs (avant d’attaquer un montage en push-pull). Les drivers sont quasi systématiquement des triodes ou des double-triodes.

Il est à noter qu’on peut trouver des utilisations hybrides : la plus courante est celle d’un étage de gain à tube, suivi par un étage de puissance à transistors (c’est le cas des Schiit Lyr et Lyr 2, par exemple). On peut également trouver l’inverse : un étage de préamplification à transistors puis un étage de puissance à tubes (on peut citer les Kronzilla qui utilisent des transistors comme drivers devant leurs énormes tubes 1610). Dernière possibilité, quasi anecdotique : un étage de puissance hybride utilisant des tubes pour la conversion en courant et des transistors pour l’adaptation d’impédance.

Schiit LYR 2 : exemple typique d'un amplificateur (casque) hybride : l'étage de gain utilise des tubes, l'étage d'amplification des transistors.
Schiit LYR 2 : exemple typique d’un amplificateur (casque) hybride : l’étage de gain utilise des tubes, l’étage d’amplification des transistors.

Les contraintes liées à l’utilisation de tubes

Les loupiotes comportent trois inconvénients qui expliquent (outre leur taille, leur température de fonctionnement et leur coût de fabrication, s’entend) leur raréfaction d’une part, et les typologies de montage d’autre part. Ces trois défauts sont une tension de cathode élevée, une puissance modeste et une impédance de sortie tout aussi haute. La première peut atteindre plusieurs centaines de volts, la seconde souvent limitée à quelques (rares) dizaines de watts, la dernière plusieurs centaines d’ohms.

Dans les trois cas, cela ne pose pas de problème trop important pour les étages de pré-amplification pour lesquels, la puissance restant faible, les courants sont raisonnables et une forte impédance de sortie peu problématique. En revanche, pour les étages d’amplification, ce n’est plus exactement la même chose. Prenons l’exemple d’un tube 300B, triode de puissance assez courante (et jouissant d’une très bonne réputation, si ce n’est sa puissance très modeste) : on y mesure un courant de plaque d’environ 350 V et une impédance de 700 à 800 ohms, le tout pour une puissance de sortie de 10W.

Les tensions de service d’un amplificateur utilisant des tubes seront très élevées, rendant toute opération de maintenance assez dangereuse. Dans certains cas, la tension plaque dépasse les 1000V. En plus de rendre dangereuse, voire mortelle, une intervention sur un ampli branché, cette tension impose que le montage doit être fait de manière à éviter la formation d’arcs électriques.

La puissance de sortie limitée, quant à elle, va imposer des reproducteurs sonores à haut rendement ou des montages multi-tubes (push-pull ou double push-pull) permettant d’augmenter la puissance de l’amplificateur.

L’impédance de sortie rend par défaut l’utilisation des tubes inadaptée à l’amplification audio. Il est nécessaire, pour les mettre en oeuvre, de procéder à une adaptation d’impédance, réalisée à l’aide de transformateurs de sortie. Ces transformateurs sont d’autant plus imposants (et coûteux) que l’impédance de sortie du tube est importante et que l’impédance de sortie souhaitée est faible. Si dans l’absolu, cette nécessité n’est pas insurmontable, le coût d’un transformateur de sortie et l’impact qu’a ce dernier sur le résultat sonore (notamment aux deux extrémités du spectre, comme c’est le cas avec tous les problèmes d’adaptation d’impédance) rendent les montages à tubes très dépendants de leurs tranfos de sortie, aussi bien pour la qualité audio que pour le prix.

A noter : le transformateur de sortie apporte un autre avantage : l’impossibilité de laisser passer un courant continu en sortie, courant qui a la faculté peu enviée de détruire assez efficacement les haut-parleurs.

Il est à noter également que dans le cas des montages pour les amplificateurs de casque, la puissance limitée pose moins de problèmes (ce qui n’empêche pas de voir des montages à base de 845 proposer 15 W par voie). En revanche, les problématiques liées à l’adaptation d’impédance demeurent.

Un autre problème associé à l’utilisation des tubes est la microphonie. De manière générale, c’est le nom qu’on donne à un phénomène vibratoire créant des interférences acoustiques. Le nom vient du fait que c’est quasi-exactement le comportement d’un microphone. Dans le cas des tubes, les vibrations peuvent être d’origine exogène (les transformateurs, les ondes hertziennes, les ondes sonores issues des enceintes…) mais aussi endogène, ce qui est plus problématique : les composants internes des tubes peuvent se mettre à vibrer d’eux mêmes. Des travaux sur les matériaux utilisés, sur des optimisations des supports ont permis de réduire ce phénomène. On trouve aussi des accessoires extérieurs, ou dampers, permettant de réduire le comportement vibratoire du tube et de minimiser l’impact des vibrations extérieures.

Les différents montages des amplificateurs de puissance

Single Ended : on parle de montage « SE ». L’idée est simple, on prend un seul tube de puissance par voie, on le fait précéder d’un driver pour augmenter le gain et on le fait suivre d’un transformateur de sortie pour adapter l’impédance. La polarisation des tubes de puissance est systématiquement faite en classe A. Dans les points positifs, on retient une grande simplicité de conception et une distorsion harmonique très limitée avec des signaux faibles. En revanche, cela se fait au prix d’une puissance très faible (malgré une consommation très importante, le rendement énergétique étant catastrophique), d’une distorsion de second ordre inévitable avec les signaux forts (assez ironiquement, c’est cette distorsion qui créé la composante la plus audible du « son tube »), et du besoin de mettre en œuvre des transformateurs de sortie imposants.

Détail des tubes d'un Viva Egoista - l'ampli est un SET utilisant une paire de 845 (à l'arrière sur la photo). Au premier plan, on distingue le haut des tubes utilisés en redressement, une paire de 5U4GB.
Détail des tubes d’un Viva Egoista – l’ampli est un SET utilisant une paire de 845 (à l’arrière sur la photo). Au premier plan, on distingue le haut des tubes utilisés en redressement, une paire de 5U4GB.

A noter, l’on entend parfois parler de montage « SET », il s’agit de montages single-ended de triodes, comme les 300B, les 2A3 ou les 845. On pourra parfois, dans les cercles les plus élitistes des plus puristes des audiophiles ne recommander que des montages « DHT SET », le DHT signifiant Directly Heated Triodes, on ne parle donc que des tubes à chauffage direct (les trois modèles précités le sont).

Push-Pull : on parle de montage « PP ». Ici, on va disposer de 2 tubes de puissance par voie, les deux grilles de contrôles étant alimentées en opposition de phase (il n’existe pas, contrairement aux transistors, de « paires » de tubes à polarisation opposée). L’avantage est double :

  • Les courants de sortie s’additionnent, ce qui augmente la puissance ;
  • Les caractéristiques communes de distorsion s’annulent.

Pour le circuit symétriseur, on utilise la plupart du temps une double triode agissant à la fois comme driver et comme déphaseur.

MacIntosh MC275, amplificateur de puissance basé sur un push-pull de KT88 (on voit bien les 7 tubes de l'étage de gain, dont 2 déphaseurs et 4 drivers, ainsi que le transformateur d'alimentation et les deux transformateurs de sortie sous leurs capots noirs)
MacIntosh MC275, amplificateur de puissance basé sur un push-pull de KT88 (on voit bien les 7 tubes de l’étage de gain, dont 2 déphaseurs et 4 drivers, ainsi que le transformateur d’alimentation et les deux transformateurs de sortie sous leurs capots noirs)

L’appellation de « ultra-linear push pull » s’applique sur des montages utilisant des tétrodes ou des pentodes fonctionnant en mode ultralinéaire (voir le chapitre sur les pentodes). Ces montages sont réalisés pour parvenir à un compromis entre les montages SET et les montages PP classiques, en ce qui concerne la puissance et la distorsion.

OTL : pour « Output Transformer Less » soit « sans transformateur de sortie ». L’impact du transformateur de sortie sur le son et le coût très élevé d’un modèle de qualité a poussé les concepteurs à s’intéresser à des montages n’en nécessitant pas. Les montages OTL sont divisés entre (principalement) deux typologies : le couplage direct, sans condensateur et le couplage AC avec condensateurs.

Intérieur d'un amplificateur pour casque Schiit Valhalla 2. On note les deux tubes en driver ainsi que les deux tubes de puissance. Les deux transformateurs ne servent que pour l'alimentation
Intérieur d’un amplificateur pour casque Schiit Valhalla 2. On note les deux tubes en driver ainsi que les deux tubes de puissance. Les deux transformateurs ne servent que pour l’alimentation. En revanche, on voit bien derrière les tubes de puissance les deux condensateurs utilisés pour le couplage.

Les transformateurs servent deux buts : l’adaptation d’impédance et l’annulation de la composante continue (ce qui amène parfois à écourter les basses fréquences, mais c’est un autre problème). Il est nécessaire que les montages OTL compensent ces deux points. Dans le cas du couplage direct, on va chercher des tubes ayant spécifiquement une impédance basse, les multiplier pour réduire encore l’impédance de sortie et l’amplificateur est muni d’un réglage d’offset permettant d’annuler la composante continue (ce réglage peut être automatique dans certains cas). Dans le cas du couplage par condensateur, c’est ce dernier (généralement un condensateur électrolytique de forte capacité) qui, placé entre les tubes et les haut-parleurs, va bloquer la composante continue.

Le bias, ses réglages, ses problèmes

Le réglage de polarisation est appelé « bias » en anglais. Ce courant est celui qui traverse les tubes en l’absence de signal. Sa valeur dépend du type de tubes mais aussi de la typologie de l’amplificateur utilisé. Le courant de repos peut également varier, pour un tube donné et un montage donné, d’un amplificateur à l’autre (en fonction des choix du concepteur), mais surtout, d’un modèle de tube (en fonction du constructeur), voire d’un exemplaire à l’autre. Comme on l’a vu plus haut, le courant de repos est négatif.

C’est pour cela que, pour les amplificateurs de puissance (le réglage du courant de repos ne concerne que les tubes de puissance), on trouve systématiquement un réglage du BIAS. Il est parfois automatique (c’est souvent le cas avec les tubes de type EL84) mais souvent manuel. La valeur est à contrôler fréquemment, au minimum à chaque changement de tube.

Si le courant de polarisation est trop faible (valeur absolue élevée), la tension délivrée par les tubes est trop faible pour alimenter correctement le transformateur de sortie. Cela créé en sortie du transformateur une distorsion de raccordement et donne une impression de dynamique et de puissance réduite. Le côté positif, c’est qu’il n’y a pas de risque pour les enceintes ou le transformateur et que la durée de vie des tubes peut être prolongée.

A contrario, si le courant de polarisation est trop important (valeur absolue trop faible), l’ampli peut donner l’impression de fonctionner très bien, voire « mieux » qu’avec une polarisation optimale. En revanche, le courant superflu est dissipé par le tube et le transformateur de sortie, qui vont avoir une durée de vie réduite (dans une proportion plus grande pour le tube).

Quels tubes, pour quoi ?

Les noms des tubes

Si avec les Audions et autres antiquités on a vu passer quelques noms commerciaux intelligibles, la multiplication des références, les interchangeabilités et les licences de productions cédées à d’autres constructeurs ont rendu obligatoire la mise en place de nomenclatures de nommage. Ceci explique, déjà, pourquoi les tubes portent le plus souvent des noms assez peu poétiques tels que GZ34, ECC82 ou 6SN7.

Tout ceci pourrait être simple si, une bonne fois pour toutes, tous les acteurs s’étaient mis d’accord sur une règle de nommage unique. Mais pourquoi faire simple ? Au final, c’est plus d’une dizaine de nomenclatures qui existent, en fonction des marques, des pays ou de l’humeur facétieuse des personnes chargées de les mettre en place. C’est cette multiplicité de nomenclatures qui explique qu’une 12AX7 est aussi une ECC83. Le premier nom est issu de la nomenclature américaine, le second de la nomenclature européenne.

Parmi les exemples les plus marquants de nomenclatures, on peut citer :

  • RETMA Receiving Tube System (Radio Electronic Television Manufacturers Association), mise en place aux Etats-Unis en 1953.
  • la nomenclature Mullard-Philips, qui est devenu le standard européen pour le nommage des lampes à vides.

Nomenclature Mullard-Philips

Pour bien comprendre comment ces nomenclatures ont été mises en place, rien de tel qu’un exemple parlant. Ce système a été généralisé en 1934 pour les fabricants de tube européens et, s’il a connu quelques modifications en 1936, est toujours d’actualité aujourd’hui.

Chaque tube se voit attribué un code constitué de 2 ou 3 lettres suivies d’au moins 2 chiffres. Chacun de ces caractères revêt une signification en fonction de sa position.

La première lettre désigne le type de chauffage : (la liste suivante n’est pas exhaustive)

  • D : 1,4 V alimentation en série ou en parallèle
  • E : 6,3 V alimentation en série ou en parallèle
  • G : 5 V alimentation en parallèle
  • H : 150 mA alimentation en série
  • P : 300 mA alimentation en série
  • U : 100 mA alimentation en série
  • X : 600 mA alimentation en série

La deuxième lettre désigne le type de tube et le domaine d’application : (la liste suivante n’est pas exhaustive non plus)

  • A : diode à faible courant
  • B : double diode à faible courant (cathode commune)
  • C : triode pour signal faible
  • D : triode de puissance
  • E : tétrode pour signal faible
  • F : pentode pour signal faible
  • H : hexode ou heptode
  • K : octode ou heptode
  • L : tétrode, tétrode à faisceau dirigé ou pentode (puissance)
  • M : indicateur de réglage
  • Y : diode redresseuse simple
  • Z : diode redresseuse double

Le premier chiffre désigne le type de culot : (la liste suivante… vous avez compris)

  • 2 : support décal
  • 3 : support octal
  • 5 : support magnoval
  • 8 : suport noval
  • 9 : tube miniature

Les autres digits représentent le numéro de série. Exemples :

  • ECC82 : E – chauffage à 6,3V – C – triode pour signal faible – C – triode pour signal faible – 8 – support noval – 2 – désignation spécifique.
  • EL34 : E – chauffage à 6,3V – L – tétrode de puissance – 3 support octal – 4 désignation spécifique

(Un immense merci à superfred21 pour son aide et son éclairage précieux !)

 

Quelques diodes

On utilise encore des diodes (et plus généralement des doubles-diodes) pour réaliser des circuits de redressement. Parmi les plus connues, on note :

  • Les 5R4, 5U4, 5Y3 ;
  • Les EZ80 ou EZ81 ;
  • Les GZ32, GZ34 et GZ37.

Quelques triodes

Les triodes de faible puissance conservent deux utilisations majoritaires : la première se trouve dans les préamplificateurs et autres appareils nécessitant un étage sortie avec gain (triodes de faible puissance mais avec un gain fort) ; on y trouve principalement des triodes doubles, utilisées en mode stéréo ou en symétrique. On les trouve également dans les amplificateurs de puissance, soit pour comme driver soit en mode déphaseur. Parmi les plus connues, on retrouve :

  • 12AX7 (ECC83) – le tube le plus vendu au monde, avec encore 2 millions d’unités produites par an. Le développement de l’ECC83 date de 1946, et c’est RCA qui l’a inventé. L’objectif était de concevoir une famille de tubes pour remplacer les lampes 6SL7, pour les application audio. Il s’agit simplement d’une paire de triodes miniatures 6AV6, dotée d’un gain fort (typiquement un facteur 100). A l’heure actuelle, il reste 4 usines de productions, 2 en russie (Winged C – anciennement Svetlana -, et New Sensor – qui produit sous les marques Sovtek, Electro-Harmonix, Svetlana et Tung-Sol, entre autres), une en Chine (Shuguang) et une en Slovaquie (JJ).
  • Lot de tubes 12AX7
    Lot de tubes 12AX7
  • 12AU7 (ECC82) – double triode à gain faible. Il en existe de nombreuses variantes, avec des caractéristiques différentes : résistance aux chocs, longévité, entre autres. Les variantes ECC82CC ou 5814A (version militaire de la 12AU7) ont beaucoup été utilisées dans les premiers ordinateurs, avant l’apparition des semi-conducteurs. A l’heure actuelle, on la trouve principalement dans des application de pré-amplification ou comme tube déphaseur. Schématiquement, l’ECC82 est une paire de 6C4 (EC90) réunis dans une même enveloppe. Elle est également produite en Chine, Slovaquie et Russie.
  • 12AT7 (ECC81) – encore une double triode similaire à ses frangines, mais avec un gain intermédiaire. Elle a été conçue originellement pour des applications hautes fréquences : radio FM ou téléviseurs, mais on la trouve désormais dans les étages d’entrée des amplificateurs de puissance. Niveau contenu, ce sont deux 61B4 (EC92) qu’on retrouve à l’intérieur. Oh, surprise, elle est encore produite en… Slovaquie, en Chine et en Russie (il semblerait qu’il y ait un pattern).
  • 6SN7 – l’ancêtre des doubles-triodes. Commercialisée à partir de 1939 par RCA et Svetlana, la 6SN7 est une famille de tubes. On en trouve de nombreuses variantes, toutes composées, schématiquement de deux triodes 6J5. Son utilisation a culminé au milieu des années ’50, période pendant laquelle on la trouvait majoritairement en étage driver des amplificateurs de puissance mais également dans des applications informatiques : ENIAC comportait ainsi plusieurs milliers de 6SN7. Avec l’arrivée des 12AU7, elle est devenue obsolète et très complexe à obtenir dès les années 60. Quelques stocks ont subsisté mais devant la demande (pour des amplificateurs de guitare et des équipements Hi-Fi), plusieurs usines, en Chine, Russie et europe de l’est (mais quelle surprise, vraiment !) en ont repris la production, sous son sigle soviétique de 6N8S.

On les trouve aussi dans les circuits d’amplification de puissance, sous forme de triodes simples :

  • 845 – à l’origine une lampe créée pour la diffusion radio par RCA (Radio Corporation of America) en 1931. Pour permettre la forte dissipation de puissance du 845, sa plaque est, le plus souvent, en graphite, mais on trouve quelques 845 avec une plaque métallique.
  • 300B – ici, on a un tube qui a été créé pour l’amplification de signal téléphonique. Il s’agit d’une triode à chauffage direct, introduite en 1938. C’est à partir des années 80 que son utilisation dans les application hifi a réellement explosé. En utilisation SET, on en tire le plus souvent 8 watts, 20 watts en configuration PP.
  • 2A3 – produite à partir de 1932, lampe de puissance beaucoup plus faible que les 300B (2 watts contre 8).

Quelques tétrodes

Toutes les tétrodes utilisées en amplification audio sont des tétrodes à faisceau dirigé :

  • 6L6 – la plupart du temps la version 6L6GC, avec une enveloppe en verre (là où la 6L6 avait un corps en métal). La lampe 6L6 a été commercialisée par RCA en 1936 en réaction à la création par Philips des pentode et pour contourner le brevet créé pour cette dernière. Le principe des 6L6 permet d’éviter le problème de discontinuité des tétrodes (résistance négative, effet indésirable appelé « tétrode kink » en anglais) mais a été mis au point par Marconi-Osram Valve (MOV). MOV n’a pas cru (à tort) au succès de ces tubes « kinkless » et a cédé à RCA la licence de production. Devant le succès immense des 6L6, MOV a produit sa propre version de la tétrode à faisceau dirigé, initialement la KT66 (KT pour « kinkless tube »). La version en verre est donnée pour une puissance maximale de 30W.
  • 6550 – d’origine plus récente, le 6550 a été inventé en 1955 par Tung-Sol, compagnie américaine. Il s’agit d’une évolution du 6L6, conçu pour des application Hifi et servomécanismes. L’objectif était d’atteindre une puissance plus élevée et une meilleure stabilité. Les tubes 6550, KT88 et KT90 sont, le plus souvent, interchangeables (branchements identiques et caractéristiques électriques similaires).
  • Assortiment de tubes 6550, d'origines diverses
    Assortiment de tubes 6550, d’origines diverses
  • KT88 – de par son introduction à une date similaire (1956), son support identique mais son origine différente, on pourrait dire que le KT88 est le 6550 anglais. Créé par G.E.C. (General Electric Company), il présente des caractéristiques similaires mais une distorsion généralement moindre que sa contrepartie américaine. La KT90, un peu plus grosse, est elle la variante Serbe, créée par Ei (Elektronska Industrija Niš).
  • QUAD de KT88 Electro-Harmonix
    QUAD de KT88 Electro-Harmonix

Quelques pentodes

A l’instar des tétrodes, les pentodes sont quasiment exclusivement utilisées pour l’amplification de puissance. Il est à noter que certains tubes, vendus et identifiés comme des pentodes, sont en fait réalisés comme des tétrodes à faisceau dirigé. C’est le cas de certaines EL34.

Autre point à noter, certains schémas d’amplification permettent d’utiliser les pentodes comme des pseudo-triodes, en reliant la grille d’arrêt et la grille écran à l’anode. Autre montage alternatif possible, on parle d’un mode « ultra-linéaire » lorsqu’on retrouve un montage avec la grille d’arrêt reliée à la cathode et la grille écran alimentée par une fraction du primaire (on crée ainsi, d’une certaine manière, une boucle de contre-réaction). En mode pseudo-triode, on perd alors de la puissance, mais on retrouve un écrêtage en harmoniques paires.

  • EL34 – pentode mise au point par Mullard, filiale anglaise de Philips et commercialisée à partir de 1953. Dans la nomenclature américaine, le tube est désigné par le label 6CA7 (6P27S pour l’équivalent soviétique). L’EL34 est assez proche, dans ses applications et dans son comportement, d’une tétrode à faisceau dirigé 6L6. Pour l’anecdote, Sylvania commercialisa un tube identifié comme un 6CA7 « fat boy » qui, en réalité n’était pas une pentode mais bien une tétrode à faisceau dirigé.
  • Lot hétérogène de tubes El34
    Lot hétérogène de tubes El34
  • EL84 – initialement, la création du tube EL84 a répondu au besoin de disposer, pour les radios, de tubes de puissance ne nécessitant pas d’étage driver. Ainsi, l’EL84 possède un gain assez élevé. Il a été créé en 1953 par Philips (comme indiqué plus haut : pour des raisons de brevet, toutes les pentodes ont été conçues par Philips ou ses filiales) et a connu un grand succès, étant simple à mettre en oeuvre et économique à produire. L’EL84 propose une puissance limitée de 8W (17W en push-pull) et est très répandue dans les amplis de guitare. Son équivalent en nomenclature américaine est le 6BQ5. D’autres tubes, équivalents exacts de l’EL84, existent également : CV2975, 7189 ou EL84L, une version prévue pour une utilisation industrielle et possédant une durée de vie étendue (ainsi que son équivalent russe, la 6P14P). On trouve également des variantes (comme la 6P14P-EV surnommée EL84M – pour military) avec des spécifications améliorées.
  • Assortiment de tubes EL84
    Assortiment de tubes EL84
  • EF86 – une pentode de faible puissance utilisée dans des circuits de préamplification. Egalement une des rares pentodes a avoir été conçues spécifiquement pour les applications audio (faible niveau de bruit et effet microphonique limité). Elle a été créée à la fin des années 1959. On en trouve une variante industrielle (la 6267) et elle la variante russe (6Zh32P) est toujours produite sous les marques JJ Electronics et Electro-Harmonix.

[nextpage title= »Les tubes et le son »]

Le tube rolling et les NOS

Dans un amplificateur à transistors, dessouder et changer les puces est assez complexe. Dans un amplificateur à tubes, normalement, les lampes ne sont pas soudées et leur remplacement par d’autres lampes (quand l’amplificateur est hors tension !!!!) très simple.

Pourquoi faire ? Parce que pour une référence donnée, il existe beaucoup de marques, et pas mal de modèles. Si on ajoute des compatibilités entre les modèles (par exemple, les KT88, les 6L6 et les EL34 sont physiquement compatibles), on se retrouve avec des dizaines de modèles à essayer. Chacun aura ses propres mesures, liées par exemple à des choix de matériaux différents. On peut, du coup, modifier, parfois dans des proportions (relativement) importantes le comportement et le son d’un appareil en changeant ses tubes, qu’il s’agisse de tubes de gains ou de tubes de puissance. Une autre raison de changer ses tubes est, tout simplement, qu’ils ont une durée de vie limitée.

Il est à noter que certains tubes (marques ayant disparu ou modèle discontinué) ne sont désormais plus construits. Pour une partie d’entre eux, des stocks existent toujours, contenant des tubes neufs mais anciens. On parle alors de « N.O.S. » pour « New Old Stock » (vieux stock de neufs). Dans certains cas, la réputation alliée à la rareté fait flamber les prix.

Une autre problématique provient en revanche de cette disparité de résultats : pour un même modèle, d’une même marque, on peut noter des disparités d’un lot à l’autre, voire au sein d’un même lot. Cela amène un autre problème : si on met dans le même ampli des tubes avec des mesures différentes, on va se retrouver avec un résultat dégradé : augmentation de la distorsion (puisque plus d’annulation des caractéristiques de distorsion dans le cas d’un montage PP) ou sonorité différente entre les voies de l’amplificateur. Cela impose, lorsqu’on effectue un tube rolling, de choisir des tubes apairés voire, dans le cas d’un montage push-pull, de choisir un QUAD. Dans les deux cas, il s’agit de tubes qui ont été mesurés et regroupés parce que présentant des résultats identiques ou, tout au moins, suffisamment proches. Dans les deux cas, le service d’apairage n’est pas gratuit et un QUAD coûte assez souvent plus cher que la somme du prix des quatre tubes le composant.

QUAD de Mullard EL34 (il s'agit d'une réédition et non pas d'un QUAD NOS)
QUAD de Mullard EL34 (il s’agit d’une réédition et non pas d’un QUAD NOS)

Le son « tube »

Nous abordons là ce qui est sans doute la partie la plus critique de cet article et qui risque de faire, au minimum, lever un sourcil. Les commentaires sont disponibles pour discuter ce point (et les autres). Comme précisé en préambule : c’est un article 2.0 !

En 1947 sont arrivés les transistors : plus linéaires, plus faciles à concevoir, plus petits, moins chers… Si ce n’est une tenue à la puissance potentiellement plus importante (on n’est plus dans l’audio, là, et on parle de milliers de watts) et une résistance accrue aux ondes électromagnétiques (utile pour les fours à micro-ondes et les explosions nucléaires), les tubes n’ont plus qu’un seul avantage objectif : la relative simplicité de conception d’un schéma d’amplification.

On leur prête souvent un avantage subjectif le « son tube ». Autant le dire tout de suite : ça n’existe pas. Pour reprendre les termes de Sorrodje : « Quelle que soit l’idée que vous vous faites du son tube, oubliez-la… Le son tube n’est pas forcément ce que vous croyez, et les différences avec les amplis à transistors ne sont pas forcément aussi évidentes qu’on pourrait le croire ».

Ce point devient évident quand on se rend compte qu’il existe souvent plus de différences acoustiques entre deux appareils à tubes qu’entre l’un d’eux et un appareil à transistors : les triodes ont un « son » plus proche de celui des MOSFET (un type de transistor à effet de champ) que de celui des pentodes, une EL34 n’a pas les même caractéristiques qu’une KT88, un EL84 Mullard n’amplifie pas le son de la même manière qu’un EL84 Sovtek, un ampli SET ne donnera pas le même résultat qu’un push-pull, etc.

Puisqu’il y a autant de « sons tube » qu’il y a d’amplis, autant se l’avouer : il n’y a pas de son tube. On peut considérer qu’il y a un son « SET », lié à une distorsion assez chargée en harmoniques paires, mais cela est également le cas des MOSFET et on trouvera encore de grandes disparités. J’irai plus loin en disant que ce son « indolent » qu’on associe parfois aux électroniques à tubes, ce côté doux, écourté dans les extrêmes et mettant le medium en avant, c’est la signature des mauvais amplis à tubes (ou, souvent, de transformateurs de sortie médiocres). Ceux que j’aime, par exemple, sont au contraire très dynamiques, droits et avec une belle extension. Quoi d’autre alors ?

La distorsion en harmoniques paires ? Ok, elle est plus plaisante que celle en harmoniques impaires, mais autant se l’avouer : pas de distorsion, c’est encore mieux.

Le « soft clipping » (ou écrêtage doux, la capacité d’un ampli à ne pas ajouter des harmoniques de forte amplitude en cas d’écrêtage) ? J’espère de toute manière qu’aucun d’entre vous n’amène son ampli dans la zone d’écrêtage : « soft » ou pas, le clipping n’est bon pour rien ni personne, et surtout pas pour vos casques ou vos enceintes.

Pour conclure, je préciserai que le son tube existe, mais pas pour les appareils de reproduction comme nos amplis haute-fidélité : il existe pour les appareils de création sonore : les amplis de guitare, les orgues et synthétiseurs, pour lesquels les caractéristiques de distorsion et de soft clipping, par exemple, caractériseront le son de l’appareil de la même manière que ses mesures en régime normal.

Ceci n’empêche pas de leur trouver plein de qualités, à ces appareils à loupiotes, parce qu’avouons-le : il y a beaucoup de très bons appareils à tubes. On n’a pas fini de se chauffer avec sa musique (voire de se brûler les doigts).

18 thoughts on “[Théorie] Les tubes pour les nuls”

  1. Je pense qu’il n’y a pas grand chose à rajouter pour ce domaine qui me passionne. ..non me fascine depuis quelques temps. Chapeau pour ce boulot plus que complet.

  2. Je fais parti de la génération qui a connu pratiquement toutes les formes de l’amplification BF à tubes puis à Mosfet; de la classe A à la PWM ; excellent article !

  3. la partie 2 est….inouïe de détails et de précisions qui force le respect Burndav. La partie consacrée à la question des nomenclatures n’a pas dû etre une..partie de plaisir à concevoir.
    Quant au son tube, je suis en total accord avec ce qui est dit. L’on peut simplement rajouter que l’esthétique et la majesté d’un bel appareil à tubes en fonctionnement font toujours de l’effet : peut-être pas acoustique mais ça ne laisse pas indifférent.

    1. Merci pour ton retour gg !
      Pour la partie sur les nomenclatures, crédit doit être rendu à Superfred, qui m’a envoyé toutes les informations. Un immense merci à lui.
      Et merci aussi, tant qu’on y est, à MrButchi, Sorrodje, Estaero, GourouLubrik et Corderaide pour les relectures, corrections ou encouragements !

  4. Il y aurait beaucoup à dire sur l’amplification sonore à base de tubes ou de transistors.
    J’ai lu avec intérêt et surprise cet article : 1°) parce que la reproduction sonore de qualité m’intéresse, 2°) mais je suis surpris qu’à l’heure du numérique, quelqu’un ait osé un article sur l’analogique …
    Je vais résumer mes premières remarques.
    1°) La polarisation d’un tube audio est essentielle à son bon fonctionnement (en jargon on appelle ça le recul de grille, tension négative appliquée à la grille, par rapport à la cathode) : plus sa valeur absolue est grande, moins les fluctuations de tension affecteront le courant de polarisation (ou de repos) du tube. C’est surtout vrai pour les tubes de puissance, et c’est l’avantage des 6L6 sur les EL34 qui sont des tubes à plus faible recul de grille (dans les mêmes conditions d’alimentation et de polarisation, une 6L6 aura un courant de repos de 75mA, alors que le courant de repos de l’EL34 sera de 100mA. Les 6L6 sont plus faciles à polariser que les EL34.
    2°) Le gros manque de cet article concerne la contre-réaction (en anglais : feedback). Il n’existe pas (ou plus) d’amplificateur audio sans contre-réaction. Pour faire simple, la contre-réaction est une méthode pour asservir la tension de sortie à la tension d’entrée, donc pour réduire les distorsions. La stabilité de cet asservissement dépend du comportement fréquentiel des composants.
    Les amplis à tube avec transformateur de sortie sont d’autant meilleurs que la bande passante de ce transformateur est importante, donc que la qualité de ce transformateur est grande (tôles, enroulements, volume), ce qui permet d’appliquer une contre-réaction généreuse tout en préservant les marges de stabilité de l’ensemble, donc d’obtenir de plus faibles distorsions. La qualité des transformateur de sortie des Quad, Marantz et autres McIntosh est exceptionnelle.
    En passant, les transistors (de puissance) ne sont pas plus linéaires que les tubes (de puissance), tant s’en faut, c’est même le contraire, en règle générale. Mais les amplificateurs des transistors n’utilisent en général pas de transformateur de sortie et leur bande passante plus importante permet d’appliquer une contre-réaction plus forte, donc d’obtenir une distorsion plus faible qu’avec des tubes, en général.
    3°) Pour ce qui est des qualités sonores respectives des tubes et des transistors, je dirais qu’un bon ampli à transistors est indiscernable d’un bon ampli à tubes, c’est pour moi plus une question d’esthétique ou d’élégance … Les valeurs des distorsions ne fournissent que des indications, car elles ne concernent que des signaux continus à une ou deux fréquences (distorsion par harmoniques et distorsion d’intermodulation), alors qu’un son est un mélange de fréquences évoluant sans cesse. Enfin, la plus grande part de la distorsion, et de loin, provient des haut-parleurs et de leur couplage au local d’écoute.
    4°) La quasi totalité des amplificateurs de puissance modernes fonctionnent (avec des transistors) en classe D. Cette classe d’amplification permet de faire fonctionner les éléments de puissance en mode de commutation à faible pertes et la modulation audio ajoutée est extraite en sortie, ce qui permet des puissances très importantes dans un volume réduit. La contrepartie en est une très grande complexité, qui exclut qu’un tel ampli soit construit et mis au point par un amateur.

    Je m’arrête parce que j’ai soif.
    A la prochaine,
    PH.

    1. Bonjour PH, et merci pour le commentaire.

      Pour répondre à peu près point par point :
      1) Il est vrai que la partie concernant le BIAS (ou la polarisation) gagnerait à être étayée non seulement pour ce qui concerne le réglage lui-même mais aussi pour expliquer les différentes valeurs de polarisation en fonction des tubes et l’impact que cela a sur la conception des amplis. En revanche, j’ai peur qu’un tel développement rendrait la partie assez complexe pour un article qui se veut malgré tout assez vulgarisé.
      2) Même réponse : il y aurait de quoi tartiner des pages sur les boucles de contre-réaction, mais je ne suis pas certain que ce court article soit suffisant. Certains des points que vous abordez se trouvent dans l’article mais la compréhension des phénomènes et mécanisme de contre-réaction passent par une pédagogie appliquée à l’électronique que je sais ne pas avoir. Si vous souhaitez vous lancer, en revanche, vous êtes le bienvenu 🙂
      3) Tout a fait d’accord avec l’absence, au final, de qualités sonores distinctives en fonction de la technologie d’amplification utilisée.
      4) Je pense qu’il est intéressant de faire la différence entre les appareils d’amplification « courant » tels qu’on les trouve à peu près partout (enceintes amplifiées, autoradios, baladeurs, amplificateurs multicanaux etc.) des appareils plus haut de gamme tels que ceux qui sont mentionnés dans ces lignes. Si la classe D (ou la classe T ou les autres technologies d’amplification par commutation) a largement gagné du terrain, elle demeure encore minoritaire, malgré les percées de B&O (modules icepower) ou Nuforce – entre autres – dans le haut de gamme dans lequel, pour des bonnes et des mauvaises raisons, on trouve encore beaucoup de polarisations en classe A ou AB (Naim polarise encore en classe B ?). Dans le domaine encore plus particulier des amplis casques (après tout, on est sur tellement nomade), les besoins en puissance assez limités font que de minoritaire elle passe à marginale.

      De manière plus générale et en ce qui concerne ce papier, et pour reprendre ce qui est indiqué dans l’introduction : je suis un enthousiaste loin d’être spécialiste de l’électronique et encore moins des loupiotes (même si je possède plusieurs appareils à lampes et si j’ai pu à quelques reprises rencontrer des personnes passionnées et passionnantes). Par curiosité, j’ai regroupé des informations que j’ai voulu par la suite synthétiser et retransmettre dans cet article, d’un niveau pas très poussé. Après, je n’y vois rien d’osé, en tout cas sur tellement nomade : les utilisateurs d’amplificateurs à lampes y sont assez nombreux !

      Quoi qu’il en soit, si vous souhaitez continuer vos remarques après vous être désaltéré, vous êtes le bienvenu !

      1. Hello Burndav,
        Je suis content d’avoir rencontré quelqu’un qui s’intéresse à ces techniques anciennes, mais toujours vivantes, et à la diffusion de cette connaissance.
        Merci d’avoir répondu si vite.
        Il est vrai que quand je parlais d’amplificateurs en classe D, je prenais en compte aussi les mobiles, tablettes, anceintes amplifiées, etc.
        C’est vrai aussi qu’un article sur la contre-réaction, même simple, implique des connaissances minimales ou un investissement de la part du lecteur. Je peux essayer d’écrire quelque chose, je te le passerai et tu verras si cela convient.
        La plupart de mes connaissances dans la reproduction audio viennent de choses anciennes :
        1°) un bouquin « Transistor manual » de General Electric et du cours d’un prof hors du commun,
        2°) la lecture d’une (défunte) revue, Wireless World, dans laquelle se sont exprimés des pointures de l’audio en Angleterre pendant des années,
        3°) un bouquin « Amplificateurs BF de qualité » de Philippe Ramain,
        4°) le déchiffrement des schémas US des années 60 – 80 dans des revues (défuntes elles aussi) comme « Audio Amateur », « Glass Audio » et bien sûr
        5°) la pratique, avec des résultats pas toujours heureux …
        Ce que je retire un peu de tout ça, c’est que du point de vue de l’électronique, le plus simple est le mieux et le plus élégant, si ce n’est le meilleur et de toute façon le plus fiable, mais c’est une opinion personnelle.
        Le plus difficile reste l’enceinte acoustique (passive), je ne m’y suis pratiquement jamais essayé.
        Voilà, voilà,
        Ça m’a donné soif …
        Bravo pour ta démarche,
        PH.

        1. Je peux comprendre la soif, vu la longueur du message 🙂
          Plus sérieusement : si tu veux soumettre un texte, tu es le bienvenu, nous pourrons en discuter et le publier en annexe de l’article sur les tubes, cela semble adapté.

          En revanche, l’équipe blog sera en vacances tout le mois d’août, donc ça sera peut-être pour la rentrée, en fonction de la date à laquelle tu soumets l’article.
          N’hésite pas à me contacter par message privé sur le forum pour continuer cette discussion.

          A très bientôt et encore merci pour la proposition et les retours.

          Burndav

  5. Le comparatif ampli à tubes / transistors me semble basé sur des principes très théoriques (comme souvent pour les afficionados de la technique). J’ai 30 ans d’écoute dans les oreilles (débuté avec un NAD 3020b) et je n’ai tout de même encore jamais entendu un bon transistor (et surement pas un accuphase) sonner comme un bon tube et sachant regrouper en un appareil les qualités de transparence, délié, dynamique, naturel, relief et magie… je ne demande qu’à entendre 🙂 bien évidemment je ne parle pas d’écoutes faites sur enceintes bouchons <90db…
    J'ai pour ma part un 845 SE en chauffage direct.

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