[Zik] Faith No More fusionne avec Patton

Il y a trois semaines, Lucius nous a détaillé les débuts de Mike Patton, jusqu’à ce qu’il rejoigne Faith No More. Voici la suite…

La première mue de Faith No More

Nous voici donc en 1989 : l’année où va éclore le fruit de 8 ans de créativité enragée et parfois perdue dans les pénombres de l’âme humaine. La rencontre absolue entre 4 artistes déjantés – le groupe Faith No More – et un savant fou du son – Mike Patton – qui a fait ses premiers pas avec Mister Bungle. Le groupe entame sa première métamorphose. En 1988, personne ou presque ne connaît les 5 américains… Fin 1989, on les retrouvera en tournée jusqu’au Japon avec pour concurrence directe : Les Gun’s N’Roses, The Red Hot Chilli Peppers, Soundgarden et j’en passe.


1989 : The Real Thing

Album complet

Avec Mike Patton au chant donc, à la place de Chuck Mosley qui s’autorise des siestes sur scène et picole un peu trop – ou alors pas au bon moment.

 

Le single Epic tourne en boucle sur MTV, deux millions d’albums sont vendus aux USA et une tournée déjantée couronne le tout: ici un style affreux adopté pour le bien de MTV où Mike Patton prend un malin plaisir à imiter le poisson mort lors du clip, ce qui causa quelques ennuis avec les défenseurs des droits des animaux aux USA. Patton passe donc d’un petit groupe pour délirer entre potes de lycée à un gros groupe qui vend et cartonne sur toute la planète. Tout le monde est surpris au sein du groupe, Matt Wallace (leur producteur) leur annonce un matin « Hey les gars, Epic tourne en boucle à la radio, et fait le tour du monde, vous êtes prêts pour ça ? » Faith No More part donc en tournée, pendant laquelle le caméléon rencontre le monde du rock et ses paillettes, le show-business et ses drogues.

Faith No More est un groupe de scène, leurs concerts sont très énergiques, et les morceaux sont retravaillés pour « exploser » en live. Ils tournent avec Metallica, dont le public reçoit très mal FNM. Mais le groupe est très attiré par le fait de jouer devant 10 000 personnes qui les détestent ! « C’est dans ces moments-là que nous puisons notre inspiration ». « C’est quand tout se décompose que je compose » explique Mike Patton. Parmi tous les groupes de rock que Faith No More accompagnera en tournée, Soundgarden (groupe américain culte et très connu pour l’incroyable album Superunknown) est celui qui influencera le plus Mike Patton. Souvenez-vous… Le chanteur de Mister Bungle sort de sa campagne perdue (Eureka pour ceux qui ont raté le début) ! Un an plutôt, il chantait sur de petites scènes locales ! Et le voilà qu’il se retrouve face à plusieurs dizaines de milliers de fans survoltés scandant son nom ! Mike Patton est encore un « bébé » de la scène et va donc grandement s’inspirer du chanteur de Soundgarden, puis, au fil des concerts, il va se forger sa propre identité scénique.

Avec toute une foule de fans derrière eux, Faith No More est aussi supporté par les grands noms du rock : Robert Plant (l’emblématique chanteur culte de Led Zeppelin) les encourage régulièrement et adore leur musique (ainsi que la folie de Bungle), tout comme Jason Newsted (bassiste de Metallica) qui remercie Dieu pour avoir mis Patton sur les rails du chant. Enfin, ils sont parfois rejoints sur scène par des stars du rock comme ici , où James Hetfield (chanteur et fondateur de Metallica), Ozzy Osbourne (chanteur et fondateur de Black Sabbath, groupe de rock culte né en 1968 et réputé avec Motorhead et ACDC pour avoir franchi les portes du Metal) et Faith No More jouent War Pigs, un morceau culte de Black Sabbath.

Pour la blague, le chanteur des Red Hot (Anthony Kiedis) dénonce Patton qui selon lui le plagie. Il s’acharne contre lui jusqu’au premier Bungle… Puis Angel Dust (quatrième album de Faith No More) le fera taire définitivement à l’époque. Plus tard, il va interdire à Mister Bungle l’accès de certains festivals, ce qui fera perdre des sommes d’argent énormes au groupe « Je ne comprends pas Kiedis , Bungle est une poussière sur son cul, TRHCP vend des millions d’albums, donc, c’est quoi son problème ?! » Mike Patton.
The Real Thing (TRT) est l’album le plus accessible du groupe : même Patton ne chante pas comme à son habitude (il avouera plus tard qu’il n’a pas osé chanter comme il l’aurait souhaité), son chant est moins varié, plus mainstream peut-être. Les morceaux se suivent et ne se ressemblent pas, mais c’est la grosse machine à tube, le tout appuyé par les engrenages MTV et une tournée d’enfer avec un album live à l’appui.


TRT, c’est aussi l’album où chaque membre du groupe ressort à égalité, tous les instruments sont répartis de manière équitable, ce qui changera par la suite. Mais à ce moment de leur carrière « Il n’y a pas de leader chez FNM », le premier qui se pointe pour le faire recevait un « Fuck YOU ». « Mike Patton et Bottum aiment Sade, ce dernier aime la techno aussi, Mike Bordin aime l’Afrique et Killing Joke, et Billy Gould est la glue qui relie le tout » Matt Wallace, le producteur. Le seul à ne pas y trouver son compte, c’est Martin : il boude et souhaiterait faire plus de métal car son cercle d’amis se compose de Metallica principalement, avec lesquels il fait la fête sans arrêt, et donc se pointe en retard pour les répètes du groupe, ce qui engendre discordes et mésententes. Quand à Patton, Gould ne l’apprécie pas : il le trouve arrogant et irrespectueux, mais il chante comme il veut et bosse comme un dingue. Bordin et Gould vont régulièrement lui apprendre « les bonnes manières ».
TRT ouvre sur From Out of Nowhere, morceau de rock teinté de Jazz avec un soupçon de Killing Joke peut-être. Falling to Piece est son intro à la basse tonitruante et ses riffs très funky. Le très métal et caustique Surprise! You’re dead! est perdu entre Slayer et Metallica. Zombies Eaters nous embarque pour une ballade à la Hetfield pour nous arracher au triste ressenti d’un Homme étrange… The Real Thing est construit comme un War Pigs de Black Sabbath, Undertwater Love fait redescendre la pression avec un ton limite teenage/série TV, puis The Morning After revient à la charge en alternant riff lourd et refrain saccadé et rappé à la sauce Mike Patton. Puis le groupe part en vrille avec Woodpecker from Mars, comme s’il voulait annoncer le futur… Cet instrumental aux accents très orientaux atteint un point culminant de la carrière de FNM. Et que dire de sa puissance en live… Mais il faut bien le reconnaître, nous sommes loin du pessimisme d’un We Care a Lot, album crade et anti-marketing à souhait, The Real Thing fut à l’époque un attrape cœur de qualité, c’est donc les poches remplies de biftons, les meubles surplombés de Grammy Awards et la tête pleine d’ambitions que Mike Patton sort de ce premier album avec les quatre alcooliques anonymes…

Pour chaque année qui suit, je ferai la liste des morceaux sortis en bonus des albums de Faith No More. Liste qui commence par Sweet Emotion en 1989 qui deviendra The perfect crime  en 1991. Le mode « liste » évitera des phrases redondantes de présentations, inutiles à mes yeux.

American Nightmare

Après le succès de The Real Thing, Mike Patton court vers ses potes de Bungle, rencontre John Zorn (le Jazz Man avant-gardiste) qui veut produire leur premier album, et va même se payer le luxe d’être distribué par la Warner grâce à sa renommée acquise avec FNM ! Tous les fans de ces derniers se demandent qui est ce trublion prêt à nous faire pénétrer dans le monde frappadingue de Mister Bungle (c’est aussi le nom d’un clown qui joue dans des films pornos et ce sera John Zorn qui l’apprendra au groupe). Je vous en prie, suivez moi mesdames et messieurs, essayez-vous donc au carousel de monsieur scatoétique, venez voir le Show « Hot » de Miss Dick, n’ayez pas peur ce n’est que du bonheur… Pour Nous ! AHAHAHAHAAHAHAHAHHAAHAHAH !

Album complet

Si un jour vous croisez quelqu’un qui vous dit écouter cet album tous les jours, comment vous dire… Courez !!!!!!!!!!!!
Cet album éloigne le groupe de leurs délires « gratuits » des débuts. Sous l’aspect « crade » se cache une métaphore de l’Amérique puritaine dont Mike Patton ne supportait plus les « supermarchés et leurs « musiques affreuses ». Cet album reste très accessible malgré ses paroles dérangées et dérangeantes pour pôpa et môman. Nous sommes en pleine fête foraine hantée avec pour guide un mélange entre John Constantine (celui du Comics s’il vous plaît, épargnez moi Reeves, ou sinon je parlerai des albums solos de Patton pendant 20 pages), le Joker à la sauce Heath Ledger et Ça.

Un Homme toilette, el diablo,… Et des détails qui ne sautent pas aux yeux tout de suite.

Après le fracas d’une bouteille tombée sur la tête d’un clown, la première piste démarre violemment en alternant passage calme et envolée metal/death metal très efficace, on se retrouve plongé dans une ambiance malsaine, teintée de films d’horreurs qui se dérouleraient dans une fête de village aux allures de cirque. On retrouvera la même ambiance avec Carousel. Eggs vous contera la course des spermatozoïdes vers l’ovule. The girl of Porn, dois-je vraiment vous l’expliquer ? Et puis c’est la maison hantée : My ass is on Fire alterne scratch Hip-hop, riffs ultra-puissants, et folies schizophréniques de Patton. Love is a fist… Pas de commentaires, cela ne nous, regarde pas. Enfin Dead Goon, morceau OVNI certainement inspiré du vécu de son père coach de football américain (Goon est un joueur spécialisé dans le choc « physique » pendant les matchs). Cette basse à 1’30… on en redemande. Je reviens en arrière avec le morceau Squeeze me Macaroni. En terme de fusion, c’est l’apothéose, ce morceau est une succession de passages funky puis death metal dont les riffs terriblement efficaces font penser à Primus sur l’album Antipop (sorti en 1999). Le chant de Patton est étiré au maximum : de sa voix nasillarde jusqu’au cri de ses entrailles.

A ce propos, sur cet album, le chant de Patton est très différent de The Real Thing, et le sera aussi sur le prochain FNM. Mike Patton a cherché à créer deux identités : une pour FNM et l’autre pour Bungle, puis finalement il développera ce concept sur chaque album auquel il participera. Pour en revenir à l’album qui nous concerne, c’est musicalement abouti (le concept est poussé à son maximum) où tout s’enchaîne avec une cohérence et un sens de la provoc hors du commun. Le groupe a su prendre ses influences (Zappa en tête), les digérer, et nous les « recracher » à leur façon. Mike Patton assure le chant avec brio et tout y passe : pop, metal, rock, ska, hurlement, bruitage, aigus, grave, personne âgée qui souffre, et lorsqu’il pleure à la fin de Stubb (a dub), on en a la chair de poule. C’est un savant mélange de genres qui nous est proposé, avec ici et là, John Zorn qui apparaît pour le fun, des paroles barrées pour l’humour et la provoc, des compos aussi désaxées que débordantes d’inventivité. C’est peut-être l’œuvre de clowns en deuil se préparant à fêter dignement l’événement sur les tombes de leurs amis morts durant un tour de grand-huit hanté qui a viré au drame.

Un visuel très travaillé pour chaque album.

Avec cet album, Mister Bungle a influencé plus d’un groupe dont : System Of A Down, Deftones, Korn, Mass Hysteria, etc. Lorsqu’on les interroge à ce propos (« Que pensez-vous de tous ces groupes qui ont puisé dans votre discographie ? Vous n’avez pas l’impression de vous faire voler? « ), Mike Patton et Trevor Dunn (le bassiste de Mister Bungle), interrogés sur le sujet (car Bungle et Faith No More sont cités comme les pionniers de la fusion et du néo-métal) répondent  » Si tu as une imagination débordante, très vive, et que tu veux relier les pointillés, tu peux peut-être le faire, mais c’est exagérer. On a fait ce genre de musique sur une période très limitée, et ce n’était qu’une partie de ce qu’on faisait, même à cette époque. Et ça n’intéressait personne.  » Trevor Dunn :  » Dans l’ensemble, c’est nul, alors je ne veux pas être tenu responsable de cette connerie ».

Pour Mike Patton, c’est l’album qui le définit le mieux à une époque où il se trouve entre deux âges : sa vie de jeune d’Eureka et bientôt son entrée définitive dans le monde « adulte » avec Angel Dust.

En conclusion de cette première période, je dirai que le « monstre » semble difficile à cerner à cette époque, et certains ne parviennent pas à saisir sa logique de travail… La philosophie de Mike Patton n’est pas difficile à appréhender cependant, il souhaite interpeller ses auditeurs « Si ma musique te pousse à t’arrêter et réfléchir, alors c’est le mieux que je puisse faire » confie-t-il aux journalistes d’Arte pour l’émission Tracks. Ce qu’il confirme régulièrement lors d’interview avec des journalistes de magazines de tous horizons « Je ne souhaite pas être compris de tous, si chacun peut se faire son propre film à l’écoute de notre musique, ça me va ».
Mike Patton ne dévoilera jamais le véritable sens des paroles qu’il a écrites, il préfère que chaque individu se forge sa propre idée du contenu de ses textes, même si parfois le sous-texte de ses lyrics ressort très clairement comme sur le premier Bungle ou le prochain Faith No More : Angel Dust.

En 1992, tout les fans de The Real Thing attendent le prochain FNM avec méfiance suite à l’écoute de l’autre groupe du chanteur qui va grandement participer à la réalisation de Angel Dust, jusqu’à composer des morceaux entiers… Le changement va être radical !

7 thoughts on “[Zik] Faith No More fusionne avec Patton”

  1. Super série d’articles qui donne envie d’écouter, du coup je viens de commander leur dernier disque

  2. Merci à tous ceux qui ont permis la publication de ce « tome 3 ». On se revoit pour le prochain, qui va se consacrer à un pierre angulaire de la musique Angel Dust (où comment exploser tous les codes du métal)

  3. Sol Invictus, un très bon cru, le plus mature, le moins barré, le plus rock/métal et le plus homogène du groupe. Exit, les morceaux OVNI de Angel Dust, la rage haineuse de King For A Day ou les ténèbres de Album Of The Year.

    Ce qui est remarquable, c’est leur capacité a sortir un album très différent des autres tout en gardant un son reconnaissable, ça sonne Faith No More. C’est le groupe rock qui représente le mieux (pour moi), cette notion de mue artistique (contrairement à Metallica par exemple, qui après le Black Album s’est perdu dans les méandre d’une reconstruction jamais vraiment adapté à leur identité).

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