[Test] EarSonics S-EM6 V2

Après une première version universelle des EM6, EarSonics nous propose aujourd’hui une deuxième mouture de son IEM de référence. Plus neutre ? Moins sombre ? Découvrez le dans ce retour rédigé après trois semaines d’essai…

EarSonics, rapide historique

Avant la sortie des S-EM6 V1, le haut de gamme pour mélomanes d’EarSonics ne comportait que des moulés : EM4 et EM6, EM2pro et EM3pro (ces deux derniers étant plutôt conseillés comme retours de scène). L’arrivée des S-EM6 V1, longtemps après celle des EM6, a donc élargi l’offre dans ce secteur tarifaire en supprimant la contrainte du sur-mesure tout en garantissant au plus grand nombre la même qualité et le même « gros son » typique de la marque.

L’architecture des EM6 a été entièrement revue, leurs composants insérés dans une coque universelle, mais leur signature acoustique conservée.

Les EM6, et donc aussi les S-EM6 V1, ont pour particularité d’avoir un très bon sens du rythme — au point de donner parfois l’impression que l’intra joue plus vite que la musique ! — et une image sonore épaisse, corpulente, avec un bel impact dans le bas-médium et des aigus étendus mais assez estompés, comme arrondis et donc susceptibles de frustrer les utilisateurs préférant un haut registre scintillant et plus présent. Malgré leurs qualités, l’EM6 comme le S-EM6 V1 proposait une restitution qui, notamment sur les voix, pouvait sonner bouchée voire en retrait, trop en tout cas pour paraître « transparente ». Ce défaut, corrigé depuis, était en quelque sorte l’envers de la patte chaleureuse et émotionnelle apportée aux timbres vocaux qui a fait la réputation d’EarSonics, appréciée comme parfois rejetée.

L’eau a depuis coulé sous les ponts et les équipes de Franck Lopez, oreille et patron d’EarSonics, ont commercialisé ensuite deux versions des Velvet ainsi que les ES2, ES3 et S-EM9. Les gammes ont donc évolué et le « son » de la marque avec. Gagnant globalement en transparence, les nouveaux modèles ont dessiné deux nouvelles gammes sans être accompagnés, malheureusement pour certains mélomanes, de leur déclinaison moulée.

Sans titre

Packaging

Longtemps concentré sur sa clientèle professionnelle, EarSonics ne s’est pas vraiment soucié de se conformer au standard apparu peu à peu chez la concurrence en matière d’emballage et d’accessoires. La marque offrait bien avec ses produits pochette de transport, lot d’embouts et accessoires classiques, mais rien qui, dans le packaging, évoque le luxe et l’abondance ordinairement associés au haut de gamme.

Cela a commencé à changer avec les S-EM9 et les Velvet. Cette amélioration de l’expérience utilisateur se confirme avec les S-EM6 V2.

La pochette fournie avec ces derniers, plus grande que les précédentes de la gamme Classic, est toujours semi-rigide, siglée ES, et peut contenir les intras ainsi qu’un petit baladeur comme le Cowon Plenue D ou le Shanling M1.

De nouveaux embouts, plus nombreux et plus confortables que les embouts biflange gris habituels, accompagnent les S-EM6 V2, ce qui permet de trouver plus aisément le fit idéal dès la sortie de boîte. Néanmoins vous verrez que la taille de la canule, autant en diamètre qu’en longueur, rendra difficile l’utilisation d’autres embouts. Toutefois, l’occlusion se faisant en début de conduit, du fait de la courte canule, il reste toutefois aisé de trouver son bonheur parmi ce qui est proposé.

Le câble a été revu plusieurs fois depuis qu’EarSonics commercialise des intras et là, on atteint la quasi-perfection. On revient — définitivement, espérons-le — aux 2 pins, avec une longueur classique de 1,20 mètre, un guide-câble relativement court et un jack coudé adapté aux coques des smartphones. Enfin, il ne s’emmêle pas et se range facilement. Top !

Pour 999€, soit légèrement plus que la précédente version, le tout est accompagné des classiques cure-canule et adaptateur 3,5mm vers 6,35mm.

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Ergonomie, confort et isolation

Comme le disait déjà un autre testeur dans son test des S-EM9, l’écoute sur intra est soumise à un triptyque isolation/confort/qualité sonore. Les S-EM6 V2 ne dérogent pas à cette règle et c’est l’isolation, dans des oreilles relativement grandes, qui pèche due à une occlusion en début de conduit ainsi qu’à une signature moins fournie en grave que bien des intras universels de cette gamme.

En contrepartie, le confort est, en un mot, excellent. La plupart des personnes les ayant essayés n’ont pas eu de difficultés à trouver le fit avec les embouts biflange, affinant parfois ensuite le port avec les monoflange fournis. Les coques en acrylique sont incomparablement plus petites que celles de la première version et se logent en fait dans toutes les conques.

La canule ne laisse plus de filtre apparent comme sur les modèles SM-* et a maintenant 3 voies de sortie, comme les S-EM9, alors que la première version n’avait qu’une seule sortie. Cette canule est certes très courte, peut être trop, mais c’est aussi cela qui rend le port confortable.

Sensibilité à la source

A l’instar des autres modèles d’EarSonics, les S-EM6 V2 ont un comportement quasi-uniforme d’une source à l’autre et, malgré leur sensibilité de 112 dB/mW, ne nécessitent pas de puissance particulière pour fonctionner correctement sur un téléphone ou un baladeur. Un smartphone comme un lecteur audiophile sauront tirer partie de leurs qualités, même si une source plus puissante, mieux équipée, offrira plus de précision, de séparation et de placement.

En ce sens, les S-EM6 V2 ont certes des caractéristiques intrinsèques mais sont plutôt sensibles à la signature même du baladeur.

De même, les sorties casques qui sont d’habitude trop bruitées sur les intras sensibles, comme ceux d’Empire Ears ou d’ACS, ne soufflent pratiquement pas sur les S-EM6 V2. Par ailleurs, à faible intensité sonore, ils se comportent mieux que leur première version qui avait tendance en ce cas à prendre une sonorité voilée. Même si, la plupart du temps, il est préférable d’utiliser une amplification externe pour conserver une certaine consistance à bas volume, les V2 gardent avec constance leur signature propre qui ne s’effondre ni dans le grave ni dans les aigus.

A haut volume, cependant, les S-EM6 V2 gagnent encore en impact et en consistance, la rythmique étant alors principalement portée par les articulations bas-médium/médium et haut-médium/aigus.

A ce titre, la première version s’écoutait plus facilement à haut volume, les aigus et le haut-médium étant alors moins mis en avant.

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S-EM6 V2 versus V1 : une approche de la neutralité différente

Les S-EM6 V2 partagent avec les V1 une signature centrée sur les médiums, avec peu de très basses fréquences (ou d’infra-basses) et de l’extension dans l’aigu. Toujours très rapide dans l’exécution des transitoires, cette seconde mouture fait plus ressortir les harmoniques dans le haut du spectre, caractéristique acoustique qui se remarque dans la signature EarSonics depuis les EM32.

Si le médium et le haut-médium sont plus appuyés que dans la première version, les S-EM6 V2 offrent toujours de l’impact dans le bas-médium, laissant plus de place à la guitare électrique qu’auparavant. Les notes de violon, de guitares électriques et d’autres instruments jouant dans les médiums explosent de clarté et de vivacité sur ces intras.

Cette deuxième itération est certainement plus proche d’une signature pouvant être dite claire que la précédente, souvent qualifiée de sombre, voire de « voilée ». Cette clarté s’accompagne aussi d’une quantité de détails bien plus importante que précédemment. Sans verser dans l’approche analytique « au scalpel » des ténors du domaine, tels les ER4 d’Etymotic, EarSonics a pris le parti avec les S-EM6 V2 d’éclaircir la scène sonore en dégrossissant le bas du spectre et notamment le bas-médium, plus propre, ce qui laisse au reste des instruments plus de place pour s’exprimer.

En comparaison avec les S-EM9 et les EM32, avec qui ils partagent une énergie et une richesse très similaire dans les aigus, les V2 restent bien dans la philosophie des premiers EM6, avec un registre grave qui s’appuie plus sur le bas-médium que sur les très basses fréquences mais qui est tout à fait capable de vrombir si la musique le nécessite.

EarSonics a revu la fiche du S-EM6 V2, à droite, en comparaison de la V1, à gauche. La signature est inchangée, l’image sonore change en revanche beaucoup.
EarSonics a revu la fiche du S-EM6 V2, à droite, en comparaison de la V1, à gauche. La signature est inchangée, l’image sonore change en revanche beaucoup.

Résumé des écoutes

La plupart des écoutes ont été faites avec un Sony NW-ZX100, notamment les comparaisons avec d’autres intras.

Comparés aux ACS Encore, EarSonics S-EM9, Custom Art Harmony 8.2 et Spiral Ear SE 5-way Ultimate, les S-EM6 V2 sont plus centrés sur le médium et le haut-médium, sans pourtant présenter de sibilances. Le réalisme des voix sur ces intras est prenant ; ils savent donner envie de chanter et de danser en écoutant quelqu’un chanter, jouer du piano ou de la guitare électrique. La clarté du rendu des médiums et son sens de la rythmique font toute la présence de ce registre sur les S-EM6 V2, sans qu’il soit pourtant ni frontal ni aussi détaillé que le médium des S-EM9 ou que celui des SE5U. La patte EarSonics est néanmoins bien présente dans le rendu de ce registre : c’est entraînant et chaud, comme auparavant, mais désormais plus sensible à la qualité de l’enregistrement et à la clarté de source.

Dans le haut-médium, par exemple sur certaines notes de la trompette à quatre pistons d’Ibrahim Maalouf, on note une certaine crispation. Cette région est sensible sur les S-EM6 V2 et, tout comme avec les S-EM9, une certaine synergie est à rechercher pour réduire cette tendance à la raideur et adoucir le haut du spectre, en particulier sur les mauvais enregistrements.

Au même titre, si les aigus sont excellents, énergiques, bien étendus et réalistes, permettant par exemple de distinguer les différents types de cymbales, la restitution des instruments de ce registre dépend également de la qualité de leur enregistrement : si celui-ci est médiocre, le résultat peut être assez crispant S-EM6 V2 — là où les Encore vont quasiment effacer ces duretés tandis que les SE5U et H8.2 arriveront à trouver un compromis en réduisant la présence des stridences. Les S-EM6 V2, tout comme les S-EM9, brillent dans les hauts registres et cette qualité peut, en fonction du signal, se révéler un défaut.

Dans le grave, les S-EM9 et les SE5U ont des capacités très similaires quand il est question de descendre dans les très basses fréquences, les S-EM9 se démarquant parfois par un surcroît de résolution, quand les Encore exagèrent un peu plus, sans le même contrôle. Les S-EM6 V2 sont pour leur part plus proche de la quantité de grave des H8.2, mais la fin des notes dans ce registre est plus courte, laissant moins passer les très basses fréquences. Les S-EM6 V2 ont du grave, sinon ce ne seraient pas des EarSonics… Mais ce sont, de ce point de vue, des Earsonics d’un genre nouveau, avec une attaque dans les basses assez sèche et une extinction de note plutôt rapide en comparaison avec le rendu de ce même registre par les autres modèles de la marque occitane.

A la différence de la première version, les S-EM6 V2 « latéralisent » plus la scène sonore qu’ils n’étagent les plans en profondeur. Le focus permis par une sorte d’effet tunnel n’est plus présent ni la sensation de placement tridimensionnel des instruments. La séparation des instruments est toutefois excellente et laisse l’air circuler entre les pupitres. A côté d’autres intras du haut de gamme, les S-EM6 V2 n’étonneront pas par leur spatialisation mais plutôt par le détourage des instruments, la richesse de ses aigus, l’articulation même lorsque la scène est surchargée d’instruments.

S-EM6 V2 et S-EM9
S-EM6 V2 et S-EM9

Comparaisons

ACS Encore (996 €)

Les S-EM6 V2 partagent avec les Encore un médium riche et clair, mais celui des Earsonics est plus rapide, distinct et transparent lorsque la musique est chargée et très rythmée. Leur image des instruments est plus fine, certes moins « holographique » mais plus précise et détaillée.

La signature des S-EM6 V2 est moins pourvue en infra-basses mais beaucoup plus chargée en aigus, tant en quantité qu’en extension.

Les Encore sont techniquement surpassés sur plusieurs points, mais le focus en profondeur de leur scène sonore est plus cohérent et place plus précisément les instruments sur cet axe.

Le plaisir d’écoute est bien différent de l’une à l’autre paire. Ce ne sont pas du tout les mêmes fenêtres ouvertes sur la musique, les deux pouvant être conseillés selon les goûts et les genres musicaux écoutés, les Encore étant particulièrement permissifs sur tous types d’enregistrements quand les S-EM6 V2 sont plus intransigeants sur la qualité de la piste.

Custom Art H8.2 (1100€)

Les H8.2 sont les intras les plus proches de la signature des S-EM6 V2 dans ce comparatif, mais avec un grave vrombissant plus souvent. Leur rythmique est moins rapide que celle des Earsonics mais plus articulée et laisse plus de place aux micro-détails. Le haut-médium des H8.2 est plus doux mais contribue lui aussi largement à l’implication de l’auditeur dans son écoute. L’extension des aigus est en revanche moindre sur les H8.2 qui coupent légèrement plus tôt dans le haut que les S-EM6 V2 et font moins ressortir les harmoniques sur les instruments qui scintillent, tels les cymbales.

Comme les Encore, les H8.2 jouent aussi plus sur le focus en profondeur. Leur scène sonore est néanmoins plus large et semble offrir un espace plus important. Et même si celui-ci paraît moins aéré du fait d’une plus grande densité dans le rendu des instruments, il laisse tout autant de place à ceux-ci pour s’exprimer sans congestion, ce qui au final confère aux H8.2 un soundstage globalement plus cohérent.

EarSonics S-EM9 (1490€)

Si les S-EM9 et les S-EM6 V2 sont de la même veine, les S-EM9 sont plus matures, frappent plus fort et avec plus d’extension dans le bas mais aussi plus de finesse et d’articulation en haut. L’image sonore des instruments est détourée avec plus d’acuité sur les S-EM6 V2 qui semblent presque analytiques en ce domaine par rapport aux S-EM9. Et comme ce détourage s’opère dans un espace où les instruments semblent moins liés les uns aux autres, la cohérence globale de la scène des S-EM6 V2 s’en ressent.

Ces deux intras ont cependant chacun leur personnalité, avec des arguments musicaux qui leur sont propres. Il n’est pas improbable de préférer les S-EM6 V2 aux S-EM9 pour des raisons de signature et de présentation. Les S-EM9 sont plus chauds, moins agressifs dans la couleur qu’ils donnent aux sons, mais ils ne placent pas les voix féminines aussi proches de l’auditeur, ils ne donnent pas l’impression que les basses tapent plus vite, alors que celles-ci sont plus vigoureuses et impactantes, mais avec des fins de note plus lentes. Clairement, selon le style de musique écouté, les S-EM6 V2 peuvent être plus viscéraux que les S-EM9.

Ces derniers sont toutefois indéniablement plus techniques que les S-EM6 V2 et ce avec une approche moins analytique. Les S-EM6 V2 sont moins ouverts et articulés, moins fournis en très basses fréquences et donc sonnant aussi plus fins quand il est nécessaire d’être « gras ». Cela se constate aussi dans les aigus : bien que dotés dans ce registre d’une sonorité très similaire à celle des S-EM6 V2, les S-EM9 sonnent plus denses, avec plus d’énergie encore.

Spiral Ear SE 5-way Ultimate (1699 €)

Les SE5U témoignent d’une conception de la neutralité qui diffère grandement de celle des S-EM6 V2, tout en étant à la fois plus plats d’un bout à l’autre du spectre sonore et plus énergiques encore. La comparaison est en fait sans véritable commune mesure, l’espace produit par les SE5U différant d’une piste à l’autre et leur résolution ainsi que leur articulation des registres étant encore un cran au-dessus de celles des S-EM9. En comparaison, les S-EM6 V2 sonnent colorés, portés sur l’aigu et trop rapides. Ce n’est qu’après un certain temps d’adaptation que les choses se remettent en ordre et que  le dernier-né d’EarSonics paraît retrouver du coffre et une signature équilibrée. Cependant, dans tous les secteurs, que ce soit la transparence générale, l’extension de l’aigu — tout en douceur sur les Spiral Ear — le naturel des voix, l’impact quasi-physique du grave, le réalisme de l’image sonore et j’en passe, les SE5U affirment une supériorité nettement marquée sur les Earsonics.

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Conclusion

Après avoir sorti fin 2013 la première version des EM6 universels, EarSonics retente aujourd’hui le pari dans un nouveau format et une nouvelle philosophie pour cette V2. Bénéficiant clairement des avancées acquises avec les nouveaux produits des gammes Music et Signature, les S-EM6 V2 sont  un produit extrêmement technique qui nécessite un peu de temps avant d’être appréhendé, car sa précision et son sens du détail ne vont pas sans un très bon sens du rythme et une assise typique d’EarSonics dans le grave. Certains regretteront l’éloignement de la marque d’une signature plus sombre, d’autres verront là une véritable avancée de la marque, le nouveau modèle EarSonics étant bien plus transparent et riche en aigus que son prédécesseur tout en respectant la neutralité visée par le constructeur.

 Les plus :

  • Fit et confort (surtout pour une coque ne contenant pas moins de 6 transducteurs !)
  • Clarté et transparence
  • PRaT : sens du rythme

Les moins :

  • Faible tolérance aux enregistrements / signature de la source
  • Pas aussi efficace sur tous les styles de musique
  • EM6 non mis-à-jour pour l’occasion, espérons pour plus tard 

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