[Feedback] Beyerdynamic T1 (avec des morceaux de HD800 dedans)

Le Beyerdynamic T1 est le fleuron de la gamme du constructeur allemand. A ce titre, il bénéficie d’une réputation flatteuse et d’un public fidèle. En tant que possesseur du HD800, je ne pouvais donc pas laisser passer l’occasion de me faire ma propre opinion sur ce casque. Mettez la musique et installez vous confortablement, voilà le résultat de mes écoutes.

Préambule

Il est vraiment difficile de séparer ses propres goûts de toute considération objective quand on teste un casque audio. Une grande partie des feedbacks réalisés par les passionnés sur TellementNomade.org et ailleurs sur le net concerne du matériel que l’auteur aime suffisamment pour prendre le temps nécessaire à l’écriture de son sentiment, de ses impressions. Il est en revanche plus rare de voir écrits des feedbacks dédiés à un casque que l’auteur n’aime pas.

C’est pourtant bien le cas de votre serviteur pour le Beyerdynamic T1 déjà brillamment testé par Benjisun ici . Autant l’annoncer directement dans ce propos introductif : je n’aime pas le Beyerdynamic T1. Si je l’avais essayé dans un magasin, je l’aurais très probablement reposé définitivement quelques minutes plus tard sans plus jamais y retoucher et j’aurais certainement dit beaucoup de mal de ce casque. La faute en incombe principalement à un pic d’aigus qui m’est extrêmement désagréable (autour de 8khz comme on le verra plus loin dans les mesures). Voilà, c’est dit.

Pour autant, j’ai fait le choix de garder ce T1 et de me forcer à l’écouter pendant quelques semaines parce que je voulais absolument le situer par rapport à mon casque sédentaire actuel, le Sennheiser HD800. Et cette patience m’aura appris beaucoup de choses sur ma propre appréciation d’un casque… Mais aussi sur le T1 et le HD800 dont j’ai publié un feedback voici quelques mois. Le T1 mérite définitivement mieux qu’une simple écoute lacunaire et le jugement expéditif, forcément injuste, qui en aurait découlé.

Durant les semaines de test de ce Beyerdynamic T1, je lui ai accordé à peu près une vingtaine d’heures d’écoute et j’ai utilisé exclusivement mon DAC Metrum Octave MK I et mon amplificateur casque DNA Sonett 2. C’est un système assemblé pour le HD800 et il est en conséquence possible qu’il tende à le mettre davantage en valeur. Pour autant, j’ai souvent lu que le T1 était assez tolérant vis à vis du système qu’on lui associe et le DNA Sonett 2 est techniquement tout à fait adapté au T1 comme au HD800. Ce point est néanmoins à prendre en compte pour la suite.

Vous connaissez désormais le contexte du point de vue que vous allez découvrir ci-dessous.

 

Beyerdynamic T1

Découverte/packaging/confort

Assurément Beyerdynamic ne se moque pas du monde en proposant le T1. Ce dernier est en effet livré dans une boîte de rangement métallique du plus bel effet, garnie de mousse dense. Le T1 s’y positionne proprement ; en deux mots : un rangement sérieux et utile. Rappelons que le HD800 est quant à lui livré dans une boîte en carton garnie d’un tissu « velours » à l’apparence plus luxueuse, mais finalement de moins bonne qualité.

Le casque en lui-même est de constitution solide – on sent bien l’expérience de Beyerdynamic dans le domaine du casque à vocation professionnelle – et semble « peser » en main. Les 350 grammes du T1 sont bien là, et l’on n’a pas du tout l’impression d’avoir acheté un jouet. Les coques métalliques comme le cuir de l’arceau sont de belle facture et respirent la qualité. Aucun « bling-bling » ici : le T1 a une apparence sobre, l’aluminium mat des cups a une teinte tirant légèrement sur le doré et la marque « Beyerdynamic » est imprimée discrètement sur l’écouteur.

Mention spéciale au câble épais et non détachable qui respire lui aussi la qualité allemande. Certains verront un désavantage dans le caractère non détachable du câble. À titre personnel, cela m’évoque surtout le fait que le câble est directement soudé sur les drivers du T1, limitant d’autant le nombre de points de soudure sur le trajet entre l’ampli et le driver.

Le Beyerdynamic T1 prend place très naturellement sur la tête (la mienne en tout cas) et se fait oublier. Si dans la main le casque « pèse », cette sensation ne se retrouve pas quand on l’a sur le crâne. Le confort est excellent, je n’ai pas ressenti de points de pression douloureux à la longue. L’équilibre général du casque est donc bon.

Autre point positif, les cups sont larges et profondes ; mes esgourdes sont donc parfaitement à l’aise. Les coussinets en velours ont la consistance idéale (ni trop fermes, ni trop mous). Bien entendu, le T1 ne donne pas du tout l’impression de port léger et aéré du HD800, mais il a, contrairement à ce dernier, la politesse de ne pas venir empiéter sur mes mâchoires. Le HD800 reste tout de même plus confortable à la longue. L’isolation offerte par le casque est proche du néant. Elle est peut-être un peu supérieure au HD800 et fuit dont moins quand on envoie la musique mais il ne faut en aucun cas en espérer la discrétion d’un vrai casque fermé.

 

Impressions sonores générales

Rappelez-vous de mon introduction… La première impression qui m’a frappé à l’écoute c’est celle d’être agressé par les aigus. Quand on découvre le HD800, on est aussi assailli par ses aigus, mais jamais je n’ai eu cette envie immédiate d’ôter le casque de ma tête. Si vous êtes, comme moi, sensibles aux pics éventuels à 8 khz, fuyez le T1 comme la peste : il vous arrachera méthodiquement les tympans. De nombreux possesseurs du T1 n’ont cependant aucun problème avec l’aigu du casque. Je l’ai personnellement fait essayer à un ami qui n’a ressenti aucune gêne. A contrario, de nombreux passionnés qui ont essayé ce casque ou d’autres Beyer sont, comme moi, allergiques à cet aigu. Il s’agit donc avant tout d’une affaire de sensibilité personnelle.

Après plusieurs heures/jours/semaines, mon cerveau a fait son job d’auto-égalisation et le pic d’aigus est devenu nettement plus supportable, même pour un allergique mal parti comme moi. J’ai alors pu apprécier comme il se devait les autres spécificités de ce casque.

Le fait est que le T1 s’apprécie dans la durée. Il ne fait en aucun cas un effet « wow » à la première écoute. On a l’impression d’avoir un bon casque, qui représente en tous points une amélioration sensible par rapport au DT880 du même constructeur. Les grandes qualités du T1 ne se dévoilent donc que progressivement, d’où l’importance de l’essai longue durée d’un casque qu’on pourrait assez facilement mésestimer.

Le point fort absolu du T1, c’est la présentation de la scène sonore – ou « soundstage ». C’était déjà le cas sur le DT880, mais le T1 – ainsi que le T90 d’ailleurs – propose une précision et un étagement des plans hors du commun. Le premier plan semble proche et frontal– nettement plus que sur un HD800 qui tend à éloigner la musique – et le fond de scène distant. Tout ce qui se situe entre les deux est parfaitement étagé et lisible. Le point le plus agréable reste pourtant à venir. On ne s’en aperçoit qu’au détour de certaines pistes, mais le T1 a une manière très spécifique de rendre audibles les extrémités gauche et droite de la scène. En fait, le T1 semble recourber la scène et rapprocher les extrémités droites et gauches de mes oreilles, créant ainsi une forme de bulle très précise, permettant de localiser les détails avec beaucoup de facilité. C’est un effet très sympathique. Par rapport au HD800, le T1 offre un spectacle sonore plus compact et moins diffus. On a l’impression d’une cohérence plus grande, mais quelques semaines d’écoute me font estimer que cette cohérence est un peu factice et à tendance à « enjoliver » les mixs foireux, tout en ne rendant pas justice aux enregistrements laissant la part belle à la reproduction de l’acoustique du lieu d’enregistrement. En la matière, à mon sens, le HD800 règne sans partage.

Du coup, si l’on peut faire un deuxième constat dans la présentation que le T1 fait de la musique, c’est qu’il lui insuffle un petit supplément d’énergie, de peps. C’est léger et pas du tout outrancier, mais l’ensemble du spectre semble bénéficier d’un surplus de projection. On ressent même une forme de mouvement avant arrière, très 3D. Une fois de plus, c’est vraiment agréable à l’écoute et un feeling de groove/swing s’insuffle dans l’esprit. La présentation du HD800 est plus rigide : on a l’impression qu’il pose la musique comme des statues ou des toiles que l’on contemple d’une manière légèrement distanciée.

Côté balance tonale, et avant de rentrer dans le détail des différents registres, le T1 est neutre avec un ressenti de surplus de basses et d’aigus. On n’est pourtant pas dans le U ou le V, avec des médiums en berne, mais plutôt dans le légèrement physiologique. De manière générale, le HD800 et le T1 ont une signature proche et je ne crois vraiment pas que l’un des deux soit plus neutre que l’autre, contrairement à ce qu’on lit ici ou là. Le choix entre les deux se fera sur la base de préférences personnelles plus qu’objectives.

J’ai pu passer tous les genres musicaux que j’écoute habituellement avec le T1. J’ai été assez surpris de le trouver aussi bon sur les musiques classiques. J’avais supposé que le HD800 serait très supérieur en la matière et ce n’est pas le cas. Le Beyerdynamic est véritablement convaincant sur ce style de musique, même si j’ai toujours tendance à lui reprocher le même défaut, à savoir un aigu à tendance métallique qui peut nuire à la reproduction des timbres des instruments acoustiques. Je n’ai en tous cas pas noté de style musical où le T1 semble franchement mal à l’aise, même s’il ne semble pas beaucoup plus tolérant que le HD800 quant à la qualité des enregistrements. J’ai enfin écouté quelques pistes dont le style collait mieux avec le T1 : je pense notamment à Animal As leaders – métal progressif – qui sonne bien avec le HD800, mais franchement mieux – plus impactant, plus compact et tout aussi rapide – avec le T1.

Les deux casques brilleront donc sur des musiques différentes et surtout des enregistrements pensés différemment. Le HD800 sera plus orienté vers la reproduction de la musique dans sa globalité y compris son environnement sonore et son ambiance. Le T1 quant à lui offrira une vision plus directe avec un très haut niveau de séparation des différentes composantes de la musique.

 

En détail (et en comparaison avec le HD800):

Grave : le DT880 traitait déjà superbement bien ce registre, le T1 fait mieux. Excellente extension et aucun manque de sous-grave ne se fera sentir dans les musiques exigeantes de ce point de vue. La rapidité est au rendez-vous. Le registre grave ne déborde pas du tout. il est tendu sans être sec. Du fait de la présentation que propose le T1, le grave a cette élasticité et ce caractère projeté, dynamique que ne propose pas le HD800. Je pense que l’impression de « plus de basses » émanant du T1 vient de là. La contrepartie, c’est que le grave du T1 est légèrement plus « one note », c’est-à-dire que ses différentes composantes sont moins lisibles, moins détaillées, moins texturées que celles proposées par le HD800. Selon les styles de musique écoutés, on peut préférer l’un ou l’autre. Par exemple, j’ai trouvé que la basse électrique (Animal As Leaders) sonnait mieux au T1, alors qu’a contrario, les nappes de graves de mon électro préférée (Shingo Nakamura, BT ou Burial par exemple) ou la contrebasse (Renaud Garcia Fons) passent mieux au HD800.

Médium : un registre que j’ai du mal à analyser, d’autant que les prestations du HD800 et du T1 me semblent assez proches. Il y a quelques mois, j’avais dit que le HD800 était le roi du médium. C’est faux. Le medium du HD800 manque un peu de chair, de corps et le roi, c’est le SR009, et il faut pas mal de travail sur le système amont du HD800 pour obtenir un médium plus charnu. Le T1 me semble être dans le même bateau : le médium sonne très bien, très propre. Ni creux, ni envahissant, il n’a cependant pas le charme légèrement euphonique et raffiné du roi Stax. De manière générale, le T1 n’est pas plus euphonique que le HD800. Le médium de ce dernier reste plus fouillé, plus riche, plus texturé, plus séduisant. Le médium du T1 est très légèrement plus « off ». J’ai écouté et réécouté pas mal de voix (Norah Jones, Newton Faulkner, Andreas Scholl) et il me semble que le HD800 propose un niveau de restitution plus raffiné en la matière. Mais ça n’en fait en rien un commentaire pénalisant pour le T1, puisque le HD800 reste un rude concurrent en matière de médium.

Aigu : là, on va entrer dans les points qui fâchent et qui divisent. L’aigu du HD800 comme celui du T1 peuvent se révéler problématiques et montrent un excès par rapport à la stricte neutralité (coucou SR009 !). On a donc deux casques à tendance légèrement « bright ». Je dis légèrement, mais un amateur de casque sombre (coucou Audeze !) trouvera certainement que ça fait vraiment trop d’aigus. Quelqu’un qui aime les signatures claires (coucou à moi-même pour le coup…) appréciera en revanche le détail, le mordant et l’air qu’apportent ces aigus légèrement boostés. HD800 comme T1 ne sont d’ailleurs, l’un comme l’autre, pas avares de détails. Je dirais à vue de nez que le T1 est peut-être le meilleur pour la localisation des détails – voir paragraphe ci-dessus – et le HD800 le meilleur pour la reproduction du détail de bas niveau – réverbération, résonnance et acoustique du lieu d’enregistrement –, donnant à mon avis une impression de réalisme plus grand de la matière sonore… Quand cette matière est présente dans l’enregistrement bien sûr. Comme nous le disent les mesures (voir les mesures des deux casques chez Innerfidelity) le HD800 offre un boost continu de 4 khz à 8 khz, avec un maximum à 6 khz. Le T1 propose lui un pic net à 8khz et une zone boostée ensuite. Choisissez votre poison selon votre sensibilité et vos préférences. Ce qui est amusant, c’est qu’en switchant entre l’un et l’autre, on entend très bien la différence, et que selon les musiques c’est l’un ou l’autre qui semble le plus « bright ». L’un et l’autre peuvent se montrer sibilants et les deux me semblent peu tolérants avec les enregistrements médiocres. À titre personnel, et mon opinion n’aura pas changé en 3 mois de possession du T1, j’apprécie l’aigu du HD800, tandis que celui du T1 m’est presque insupportable.

Soundstage : là aussi, on tient deux très beaux soundstages, mais – comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire – très différents et donc les appréciations personnelles de chacun feront basculer vers le Beyerdynamic ou le Sennheiser. Compacité, densité, précision et impression de mouvement pour le T1, le tout dans une bulle précise ; nuage de musique avec une forte impression de « nappes » sonores et un grand ressenti de réalité de la musique dans son environnement sonore avec le HD800. Le HD800 « déploie » la musique. J’ai souvent pensé lors de ce comparatif que finalement le T1 avait le meilleur soundstage. C’est presque vrai. Presque, parce que, de mon point de vue, le soundstage du T1 est fantastique, mais « casqueux ». Le HD800 lâche un peu de cette précision pour aller vers une reproduction qui sort de l’ordinaire mais perd le côté « musique en mouvement » qu’offre le T1. La présentation du HD800 peut gêner par son caractère trop diffus. J’ai dit aussi que le T1 était finalement plus analytique que le HD800. Ce n’est pas tout à fait vrai non plus, mais l’idée est là : la précision du T1 fait mouche.

 

Mesures

Innerfidelity (HD800)

Innerfidelity (T1)

Headroom

 

Conclusion

Je n’aime toujours pas le T1, et j’ai vraiment dû me forcer pour le garder sur les oreilles depuis que je le possède. Pour autant, je crois avoir réussi à faire preuve de patience pour essayer d’être juste ; ce casque le mérite. Je me dois de dire à nouveau que ce casque s’apprécie dans la durée, en laissant apparaître ses points forts au gré d’écoutes nombreuses et attentives. Assurément un très beau casque, si bien sûr on n’est pas allergique à Beyerdynamic comme votre serviteur.

Le T1 offre sa part de « fun », mais ne peut tout de même pas être considéré comme un casque délibérément calibré pour ça. Il montre très peu de coloration ou d’euphonie ajoutée à la musique et se révèle donc fidèle. Dans la famille Beyerdynamic, quand on cherche plus de fun et moins de fidélité, je pense sincèrement que le T90 est à essayer sérieusement.

T1 et HD800… Le HD800 reste un casque à mon avis supérieur pour quelques raisons précises : un médium plus travaillé, un son globalement plus raffiné – avec un « background » plus noir –, un niveau de détail et de résolution supérieur sur la totalité du spectre et surtout une présentation plus « hors du commun », là où le T1 reste un super casque, mais juste un super casque. Ceci dit, je pense sincèrement que le HD800 ne fait montre de ces qualités que sur des enregistrements les mettant en valeur et que, du coup, bien que supérieur dans l’absolu, il ne sera pas plus plaisant à l’écoute. En aucun cas, je ne me permettrais d’affirmer qu’un HD800 sera toujours supérieur au T1 pour VOS écoutes.

De mon côté, je termine ce compte-rendu en écoutant Ane Brun et c’est le HD800 que j’ai oublié sur mes oreilles. Pour autant, je vais voir partir le T1 avec une certaine tristesse. Il a finalement su se rendre attachant et je regrette un peu de ne pas avoir su l’aimer plus.

Bientôt , Pour éclairer votre choix : HD800 vs T1 The Ultimate FAQ* (En cours d’écriture)

Pour en discuter sur le forum TellementNomade.org c’est ici que ça se passe.

3 thoughts on “[Feedback] Beyerdynamic T1 (avec des morceaux de HD800 dedans)”

  1. Yes.

    Moi j’adore le feedback du détracteur.
    Je ne sais pas si c’est plus objectif ou pas mais le regard est peut être plus acéré moins acquis dès le départ à la cause discutée.
    Il triture le bestiau, le décortique, le dissèque et explique le pourquoi du comment.

    Excellente lecture pour ma part.

  2. Beaucoup de plaisir également à faire la lecture de cette comparaison. Je n’ai pas le T1 (je m’interrogé sur un achat éventuel) mais j’ai le HD800 (ainsi qu’un STAX SR007) et j’ai bu les paroles de Sorrodge dans cette analyse très subjective mais oh combien parlante à mes oreilles.

  3. Pingback: [Test] AKG K812 | TellementNomade

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