[Feedback] Hifiman HE-6 : le roi est mort, vive le roi !

HE-6 ? Mais c’est « has been » ça non ? Il se vend encore en neuf ce truc ? Oui mais pas pour longtemps ! Il est donc encore temps de dédier un feedback complet à ce vieux lion qui mérite encore bien des hommages…

Au moment où Hifiman renouvelle tout ou partie de sa gamme et affiche dorénavant le HE1000 comme son fer de lance, on se demande bien ce que ce bon vieux HE-6 peut avoir comme intérêt. Pour autant, ayant pu essayer chez moi et lors de rencontres diverses une bonne partie des références du marché du casque haut de gamme, il me tardait d’avoir l’occasion de poser les oreilles dans ce casque. C’est grâce à la générosité d’un membre de la communauté TellementNomade (Oyo) qu’il a enfin trouvé le chemin de la maison. Je pensais avant tout le comparer au HE1000 mais finalement deux mois d’écoutes m’auront convaincu que le HE-6 méritait mieux que le simple rôle de faire valoir de la nouvelle star de chez Hifiman.

HE-6

Présentation

Hifiman a dévoilé le HE-6 en 2010, dans une période d’effervescence où de nombreux casques haut de gamme actuels sont nés (HD800 , T1 , SR009 , Audeze LCD1 , 2 puis 3 ). C’est aussi lors de cette vague de naissances qu’on a pu (re)découvrir l’intérêt de la technologie ortho-dynamique et/ou planar-dynamique qui a le vent en poupe depuis. Les Hifiman HE-X et les premiers Audeze resteront dès lors comme des modèles qui, historiquement, auront initié l’essor de cette technologie en ce début de XXIème siècle.

HE-6 - détail transducteur

Le HE-6 intègre ainsi un transducteur planar-magnétique plaqué or. Il s’inscrit dans la lignée des HE-5 et HE5LE qui l’ont précédé, en conservant l’apparence typique des casques Hifiman jusqu’alors mais aussi des caractéristiques techniques et des spécifications proches. Sans aller dans le détail, les 3 modèles susmentionnés affichent une impédance moyenne autour de 50 Ohms mais aussi et surtout une sensibilité très (très) faible. Le HE-6 est en quelque sorte le pire puisque qu’il affiche officiellement 83dB/mW . Il semblerait qu’en réalité, ça puisse descendre en dessous de 80 dB/mW et donc se rapprocher de l’AKG K1000 ( 77db/mw). En tout état de cause, la conséquence immédiate c’est que le HE-6 nécessite une amplification (très) puissante pour bien fonctionner. Ceci explique en partie sa relative discrétion par rapport à ses concurrents.

Du fait des ces spécificités, le HE-6 ne fonctionne vraiment bien qu’avec les amplis casques très puissants mais aussi et surtout, comme son illustre prédécesseur le K1000, avec des amplis destinés aux enceintes en connectant directement le HE-6 aux borniers. On peut utiliser pour cela un adaptateur spécial que vend Hifiman mais aussi un simple câble avec d’un côté des fiches bananes et de l’autre un connecteur XLR 4 points femelle. C’est le plus souvent avec un tel ampli que les fans font fonctionner avec bonheur leur casque de prédilection.

HE-6 - prise symétrique

Durant la période où j’ai eu le casque à la maison, j’ai utilisé un petit ampli numérique , le SMSL SA-50 et un ampli casque haut de gamme, l’audioGD HE-9. C’est avec ce dernier que j’ai obtenu les meilleurs résultats à mes oreilles et les impressions d’écoutes ci dessous.

Look & Feel

On a tous en tête l’apparence caractéristique des casques Hifiman : du simple, du basique de l’efficace. Une coque en plastique, ici en finition laquée « piano black » du plus bel effet avec ses reflets mauves, un bandeau recouvert de simili cuir, un dispositif d’articulation et de fixation des oreillettes en métal assez rudimentaire. Le tout ne fait pas montre d’une finition exemplaire et ne nous éblouit pas par un luxe outrancier. On peut aussi noter que la solidité de l’ensemble est assez douteuse et je le sais de source sûre puisque l’exemplaire d’oyo a cassé dans mes mains. Heureusement que le SAV Hifiman assure…

HE-6 - rotule

Le HE-6 peut être équipé de deux types de coussinets, l’un en faux cuir et l’autre en velours. L’avis général est assez nettement en faveur de pads velours, ce que confirme votre serviteur. Le coussinet en faux cuir ayant tendance à matifier beaucoup les médiums et haut-médiums ce qui, du même coup, fait ressortir des basses résonnantes qui envahissent un peu le reste du spectre sonore tout en faisant ressortir l’aigu piquant. Préférez le velours !

HE-6 - coussinets

D’un point de vue confort, les pads sont fermes et l’arceau serre pas mal le crâne. En outre le casque pèse un poids certain (500g). On est assez loin du top confort mais, à titre personnel, je n’ai jamais ressenti de gêne persistante y compris lors de longues sessions d’écoute.

Le HE-6 est livré avec un câble en cuivre disposant d’une terminaison en XLR mâle 4 points complété par une extension XLR femelle vers Jack 6,35mm permettant de le brancher sur une sortie casque classique. Ce câble de facture assez basique est détachable grâce aux classiques connecteurs à vis si spécifiques à la marque.

A l’écoute

Durant les semaines passées chez moi, le HE-6 aura eu la lourde tâche d’affronter le HE1000, son remplaçant en tant que vaisseau amiral de la gamme Hifiman, son meilleur « ennemi » le Sennheiser HD800, son petit frère le HE5LE ainsi qu’un Stax Lambda Normal Bias. Je ferai donc par la suite appel à ces éléments de comparaison pour aider à situer ce que propose le Hifiman.

Autant dire tout de suite que le HE-6 s’en tire avec les honneurs dûs à son rang. Il ne fait aucun doute dans mon esprit quant au fait que le HE-6 est un très, très grand casque et offre sûrement l’un des meilleurs rapports qualité/prix sur le marché du casque audio Haut de gamme.

Ce casque offre en effet des qualités admirables qui peuvent justifier à mon avis de le préférer à n’importe quel autre concurrent quel qu’en soit le prix. Son principal atout à mes yeux est d’offrir une personnalité unique, spécifique. Le HE-6 n’a rien mais alors rien d’effacé ou de consensuel. Sans aller jusqu’à le qualifier de « bad boy », on peut néanmoins assez facilement lui accoler un qualificatif de « gros coeur ». Il propose quelque chose d’à la fois brutal et séduisant. Ce casque vous prend aux tripes et au cœur plus qu’au cerveau. C’est un casque qui emporte l’adhésion non seulement grâce à des qualités techniques excellentes mais aussi, et surtout, grâce à une âme qui lui est propre.

Evidemment, quand on chronique un casque orthodynamique, on attend d’abord des basses hors du commun tant sur le plan de la quantité que de la qualité. Le HE-6 ne trahit pas cette réputation, le grave est bien au rendez vous. Éliminons immédiatement tout malentendu : le HE-6 est neutre et ne propose pas de surplus de grave y compris quand on le compare à un HD800 ou un Stax. Je n’avais pas de casque Audeze sous la main durant la période où j’ai eu en prêt le HE-6 mais je suis prêt à parier que tous les membres de la famille Audeze offrent plus de grave. Je pense aussi que le grave Audeze est sûrement plus épais, plus dense, plus organique. A contrario, le HE-6 offre un grave rapide, dégraissé, net et qui descend très bas mais sans emphase excessive.  Le registre grave du Hifiman reste très tendu, délivre un impact, une attaque hors du commun et, à ma connaissance, il est l’un des rares à savoir reproduire le claquement d’une grosse gamelle de haut parleur sur un beat d’électro. C’est tout juste si, en écoutant Infected mushroom avec le HE-6, on ne sent pas les réminiscences de l’odeur du matériel électronique d’un club ou d’une salle. Le grave du HE-6 est viscéral, palpable, vivant. Pas aussi bestial que celui de l’Abyss mais le HE-6 est probablement un des casques qui s’en rapproche le plus. Par contre, n’espérez pas l’épaisseur organique d’un Audeze et n’attendez pas plus le rebond des mid bass qu’on trouve assez généralement plutôt avec les casques dynamiques, HD800 en tête. Ce dernier, pas spécialement connu pour son caractère basseux offre pourtant du grave, et du bon, mais centré autour des mid-bass (100/150hz). Du coup sur « Get Lucky » de Daft Punk, plus funky et plus rebondisssant que la Trance d’Infected mushroom, le Sennheiser se défend plus que bien. Le Sennheiser me semble en revanche dominer légèrement le HE-6 sur le rendu des textures et des subtilités, le timbre d’une contrebasse ou d’un orgue m’ont semblé plus lisibles. Distinguer les différentes nappes d’une musique électronique est là aussi plus aisé. Mais là on est dans le cérébral, dans l’analyse. Le HE-6, son truc à lui c’est de vous chopper par les couilles le col.

On pourrait penser du coup que le HE-6 c’est pour les plus bourrins d’entre nous qui n’ont que faire des subtilités de la reproduction de la viole de gambe et du cornet à bouquin. Que nenni, ami lecteur ! Le HE-6 offre bien plus que ça !

Une fois qu’on a compris comment fonctionnait le grave de notre vénérable Hifiman, notre oreille aura naturellement tendance à scruter ce qui se passe un peu plus haut du côté du medium. Et c’est précisément là que le HE-6 brille de mille feux.

HE-6

Déjà les basses sèches, profondes et avec de l’impact ne débordent pas sur le médium donc on en profite à plein et le bas medium prend toute la place nécessaire garantissant une excellente assise et du corps aux timbres des instruments acoustiques mais surtout, surtout l’articulation entre le médium et le haut médium est une merveille d’équilibre et de cohérence. Un Stax aura toujours tendance à en faire un peu trop dans ce secteur d’où des timbres qui peuvent tirer parfois sur le plastique et des voix légèrement nasales (range ton flingue ami Staxien: j’ai dit «parfois» et «légèrement»). Le HD800 lui fait le contraire et tend à rendre les voix un peu trop ternes avec un léger manque de présence et surtout d’émotion. Le HE-6 réussit le miracle d’arriver à déborder légèrement de la stricte neutralité en surexposant juste ce qu’il faut le registre, ajoutant ainsi une présence, une légère euphonie qui fait toute l’âme de ce casque. Un miracle de médium vraiment ! Avec cette arme-là, le HE-6 emporte immédiatement l’adhésion. À mon avis, sur le Jazz vocal en particulier, je n’ai pas eu l’occasion d’écouter quoi que ce soit de plus addictif que le HE-6. L’euphonie et l’émotion ne cache en plus aucun vice. La séparation des instruments, leur individualisation ne souffre pas de critique. Le HE-6 est en outre parfaitement à l’aise sur les musiques classiques où aucune coloration néfaste ou autre dénaturation des timbres des cordes notamment n’est à déplorer. Tout ceci nous permet d’affirmer que le HE-6 est un excellent casque tout terrain là où, par exemple, un HD800 se montre un peu plus rétif à la reproduction de certains genres musicaux. En comparaison du HE-6, le tout nouveau tout beau HE1000 m’a paru bien poli. Le HE1000 n’offre pas cet éclat, cette présenceet ce mordant qui rendent l’écoute excitante. La voix de Cassandra Wilson étale toute sa richesse, les cuivres de Bruckner impressionnent, l’introduction de «Ainsi parlait Zarathoustra» de Strauss semble remonter du fond des âges, la guitare de Rory Gallagher hurle et pleure à la fois. Si votre truc c’est pas trop les boissons et les émotions fortes mais plutôt la camomille et le petit plaid sur les genoux devant la cheminée, oubliez le HE-6.

Evidemment, un casque sans défaut n’existe pas et pour le HE-6 c’est clairement dans l’aigu que le bât blesse. Globalement la tonalité du casque est plutôt claire mais sans jamais tomber dans la froideur ou le jansénisme (y’a le HD800 pour ça…) donc évidemment l’aigu se fait entendre et bien entendre. Les points positifs c’est que cela participe à la capacité du casque à détourer et séparer les instruments et ça contribue à un gros point fort du HE-6: la franchise et la netteté des attaques de notes. Les basses claquent, les voix sont bien séparées de leur accompagnement, le jeu d’un pupitre de 4 trompettes dans un big band est bien lisible. En outre, le HE-6 ne manque pas d’air (#humour) et l’extension dans les plus hautes fréquences est bien sensible. Le problème du HE-6, et de l’ensemble des vieux Hifiman (HE-4, 5, 5LE , 400, 500 et 6 ) c’est d’ailleurs l’aigu abrasif. Un HE500 reste assez contrôlé de ce point de vue alors que le HE-5 est probablement le pire. Le HE-6 se trouve un peu entre les deux, l’aigu peut se montrer déplaisant voire difficile à supporter tant que le casque reste en configuration « stock ». Evidemment c’est beaucoup moins sensible dans les enregistrements et/ou les styles dans lesquels l’aigu n’est pas trop mis en avant mais dès que les cymbales s’invitent à la fête, ou que les sibilances des voix pointent le nez, on a vite les dents qui grincent. Fort heureusement, cette tendance s’atténue nettement dès qu’on commence à envisager des modifications simples (et faciles à faire du casque). Ôter simplement le matériau d’amortissement situé derrière le transducteur améliore considérablement les choses par exemple. Évidemment un choix d’électroniques adaptées aide aussi beaucoup. Pour autant, il ne faut pas se leurrer et le côté légèrement « edgy » de l’aigu du HE-6 fait partie de sa personnalité.

HE-6 - mod

D’un point de vue soundstage , le HE-6 offre une prestation qui m’a paru très convaincante. Elle est large et le positionnement des interprètes est aisé. Certes on n’atteint pas le niveau de précision d’un HD800 ou surtout d’un SR009 . Le Sennheiser reste le maître aussi à mes yeux en ce qui concerne le positionnement en profondeur. Le HE-6 offre d’ailleurs une prestation plus que correcte en matière de profondeur et de naturel de la présentation. Sur un AudioGD HE-9, le HD800 est néanmoins assez nettement plus performant à mes oreilles du fait de la précision et du réalisme de l’étagement des plans. La présentation offerte par le Hifiman est d’ailleurs plus frontale que celle du HD800. En outre, du fait de son niveau de résolution supérieur, le Senn fait mieux percevoir « physiquement » l’espace sonore construit par le mastering et/ou le mixage et les distances à l’interprète. Il me donne plus l’impression de visualiser un chanteur ou un instrumentiste. Pour autant, le Hifiman offre déjà une prestation excellente et tout à fait cohérente avec son positionnement tarifaire. Le HE1000 est certes plus résolvant mais ne m’a pas paru offrir mieux en termes de précision de l’image et de reconstruction de la scène sonore. Dernier point où le HE-6 brille particulièrement, l’impression de vitesse des transitoires. Sans aller jusqu’à la rapidité extra terrestre d’un Electrostatique, le Hifiman offre des transitions très franches entre registres et l’ensemble des sons apparaissent, disparaissent, accélèrent et se diluent très, très fluidement.

Conclusion

On en revient à l’introduction de notre partie dédiée au son du HE-6. Le point essentiel qui caractérise le casque c’est vraiment le mélange unique de brutalité et d’énergie. Sans sacrifier la finesse, la fidélité et la performance technique globale qui doivent caractériser un casque haut de gamme, le HE-6 sait jouer de l’émotion et de l’euphonie pour emporter son auditeur. On oublie dès lors ses quelques défauts d’autant plus facilement qu’ils restent très contenus. Seul l’aigu pourra rester un motif de rupture pour les auditeurs sensibles et/ou les amateurs d’enregistrements dont les aigus sont déjà problématiques en soi. Évidemment, tant de qualité sonores aideront à digérer une qualité de construction et de finition pour le moins légères compte tenu de la gamme tarifaire de la bestiole.

Lors des quelques semaines que j’ai passé à comparer le HD800 (mon casque de référence) et le HE-6 , je n’ai pas réussi à dire lequel est le meilleur. J’ai toujours eu le sentiment de gagner et de perdre quand je passais de l’un à l’autre. L’un capitalise sur l’émotion, l’énergie brute pour emporter là où l’autre parie sur l’acuité de la reproduction pour me berner et me faire croire à la réalité. Deux plaisirs différents et néanmoins complémentaires. Je pourrais vivre sans aucun regret avec l’un ou l’autre de ces casques. Peut-être un jour avec les deux. Qui sait ?

HE-6 - détail connexion

C’est donc le chant du cygne pour le HE-6 qui va très probablement disparaître rapidement du catalogue Hifiman. Pour autant et malgré ses défauts, ce casque magnifique garde une vraie actualité. Son rapport qualité sonore/prix semble détonner dans le cadre de l’évolution actuelle des tarifs des casques haut de gamme et ses qualités sonores magnifiques lui garantissent une foule d’amateurs fidèles qui lui dédient des systèmes spécifiquement bâtis et des modifications plus ou moins profondes visant à optimiser ses performances. Il est peu probable que ces amateurs lâchent leur casque favori (souvent préféré à tout autre casque haut de gamme) de sitôt. Pour les connaisseurs qui souhaitent encore découvrir la bête, vous pouvez encore vous précipiter pour l’acheter avant qu’il ne vous reste plus que le marché de l’occasion pour en profiter.

8 thoughts on “[Feedback] Hifiman HE-6 : le roi est mort, vive le roi !”

  1. Excellent feedback!
    Comptes tu un jour faire une seconde partie pour inclure tous les mods qui ont été développés pour élever le casque à un autre niveau?

    Le HE-6 stock est vraiment brillant avec les pads velour. De plus, ils ne sont pas très confortables. Tu devrais essayer de changer les pads pour les Focus A (sans parler des autres mods, changer les pads fait une belle différence. Les Focus (non-A) sont plus brillants que les A, mais déjà mieux que les velours d’origine.

    1. Tout ce qui peut rendre cette merveille plus mate et confortable est bon à prendre…
      Maintenant j’en veux un :'(

    2. Hello Clem,

      Nan à priori non . pas de deuxième partie d’autant que je ne sais pas si une source résume assez rapidement tout ce qu’on produit jerg et Ohhgourami sur le sujet. Je vais voir si on peut faire ça sur le forum peut-être 😉

  2. yacine60180

    Super feedback! c’est un casque que j’ai fait Moder en mini XLR SYMBIOSE, pour moi seul l’ABYSS est vraiment mieux.

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